the record

Écartons de suite le terme « supergroupe » qui a tendance à poser des attentes démesurées sur des projets souvent montés à l’arrache entre deux bières et qui, au final, se révèlent décevants à force de se diluer dans le compromis ou de vaciller sous le poids des egos.

Si Phoebe Bridgers, Julien Baker et Lucy Dacus jouissent chacune d’une notoriété désormais établie et largement méritée – en particulier Bridgers qui vient de faire sauter le barrage entre indie et mainstream avec le succès de son dernier album, Punisher, ainsi que ses nombreuses collaborations (Taylor Swift, SZA, The National…) ­–, boygenius est surtout l’histoire d’une amitié qui ne demandait qu’à être enregistrée. Trois femmes qui se connaissent depuis des années, s’admirent mutuellement et réalisent qu’elles ont tout à gagner en cumulant leurs talents.

Rien ne reflète plus leur symbiose que l’ouverture "Without You Without Them", une poignée de secondes a capella d’une pureté absolue qui révèle d’entrée de jeu la complémentarité de leurs voix et indique que les morceaux à suivre seront avant tout les efforts d’une équipe. Une équipe qui laisse de l’espace de jeu à chacune de ses partenaires pour qu’elle puisse briller à tour de rôle ("Emily I’m Sorry" pour Phoebe, "Satanist" pour Julien, le déchirant "We’re in Love" pour Lucy) ou qui met ses ressources en commun pour gagner en puissance (l’évident single "Not Strong Enough").

Alternant entre leurs genres de prédilection (americana, indie folk, power pop…) avec plus ou moins d’habilité, the record aspire à satisfaire tout le monde tout en maintenant autant que possible sa cohésion. C’est peut-être à ce niveau que réside sa seule faiblesse même si cela en fait également la bande-son idéale d’un road-trip improvisé (en partant du principe que vous roulez sur le long de la côte californienne et pas sur la E40 en direction de Liège où aucun espoir n’est permis).