The Pinkprint
Nicki Minaj
Nous sommes en 2014 et pour une bonne partie du grand public, Nicki Minaj n’est juste qu’une poupée gonflable qui nous a bien cassé les burnes avec des morceaux qui avaient mangé un peu trop d’EDM sur Pink Friday : Roman Reloaded, et qui a fait le tour des Internets avec la pochette de son « Anaconda », détournée des milliers de fois pour les besoins de memes parfois géniaux. Des gens qui n’ont probablement jamais pris le temps de suivre son ascension à une époque où Young Money n’était pas encore un empire, des gens qui n’ont jamais entendu Nicki Minaj transformer des morceaux moyens en trucs indispensables par sa seule présence, ou qui ne l’ont jamais vu mettre la pâtée à pas mal de rappeurs du sexe opposé avec un flow de morte de faim. Toute une partie du public qu’il va falloir convaincre que ce troisième album d’Onika Tanya Maraj n’est pas la bouse commerciale qu’ils rêvent de pouvoir dézinguer dans un déferlement de raccourcis faciles et de mauvais clichés.
C’est vrai, en bonne vache à lait de son mentor Birdman, la ‘bimboule' est probablement mal mise en valeur pour le lecteur lambda de GMD, mais il faut se rendre à l’évidence: c’est pas vous qui déambulez dans les rues du centre-ville dans un immonde training YMCMB de baraki ou qui irez payer 60 EUR pour un concert dans une salle immense au son calamiteux. Et ces gens-là, Nicki Minaj, ils kifferaient même si elle reprenait l’intégrale de Burzum en se faisant produire par Skrillex. Cependant, vous seriez bien inspirés de quand même jeter une oreille à ce Pinkprint, parce qu’autant vous le dire tout de suite: avec ce troisième album, Nicki Minaj nous a fait un Beyoncé - et on ne dit pas ça parce que cette dernière vient se la jouer warrior sur le minimaliste « Feelin Myslef » produit par le toujours impeccable Hit-Boy.
Alors c’est sûr, la native de Trinité et Tobago ne nous a pas servi un album qui a l’élégance folle et les visées arty du disque sorti par la Queen Bey à peu près à la même période il y a un an, pas plus qu’il n’a débarqué à la surprise générale (ça fait même des mois qu’on l’attend ce disque…). Mais pris dans sa globalité, il est cet objet que l’on attendait depuis des plombes de sa part, ce disque capable de concilier ambition et entertainment pur et dur. Pour y arriver, le casting réuni est impressionnant, comme c’est généralement le cas avec ce genre de méga-sorties: d’un côté, on croise will.i.am, Alex da kid et surtout l’éminence grise Dr. Luke (producteur de Pink ou Katy Perry) qui fait un travail phénoménal sur la partie du disque qui va amasser les dollars par millions; de l’autre, la conscience cool et thug du disque est assurée en demandant à Jessie Ware d’écrire un titre, en samplant Maya Jane Cole sur l’un des morceaux de la version deluxe, ou en faisant appel aux usual suspects Zaytoven, Metro Boomin ou Mike Will Made It. Sans parler d’une liste d’invités qui ne surprendra personne mais qui fait quand même saliver: de Lil Wayne à Meek Mill en passant par Drake ou le minette Ariana Grande.
On aimerait dire de The Pinkprint que c'est un disque sans surprise, comme le grand barnum du rap / r&b ricain peut nous en produire à des cadences industrielles. Mais voilà, Rick Ross vient de nous le prouver avec son récent Hood Billionaire: il ne suffit pas d'avoir l'habituel casting de faiseurs de hits pour accoucher d'un disque mémorable. Et dans le cas de Nicki Minaj, pour une fille qui semblait se chercher ces dernières années, on se dit qu'elle semble avoir enfin trouvé son créneau, celui de la superstar sûre de ses choix et bien entourée.