The Past, The Present & The Possible
Tahiti 80
Nul n'est prophète en son pays. Voilà une expression qui colle à la peau de Tahiti 80 depuis de nombreuses années. En effet, il est de bon ton de mentionner les nombreux faits d'armes du groupe en dehors de sa France natale, lui qui bénéficie d'un certain succès dans certaines contrées lointaines comme le Japon, où il est quand même parvenu à écouler 50.000 exemplaires de son Puzzle – c'est certes moins que n'importe quel best of l'idole nippone Adamo, mais pas mal quand même. A chaque sortie, c'est la même rengaine: on déplore l'inexplicable manque de notoriété du groupe dans ses terres et on passe à autre chose. La faute peut-être à l'absence depuis Puzzle d'un disque aussi bon que le premier effort? Probablement. Quatre albums et une compilation que ça dure.
Qu'à cela tienne. On le sait, depuis ses premiers balbutiements discographiques, le groupe a toujours affiché une belle flamboyance et une capacité supérieure à la moyenne à pondre de la pop song qui se scotche sans trop de problèmes aux neurones. Et ledit groupe d'enfoncer le clou sur The Past, The Present & The Possible. Certes, on savait le groupe emmené par Xavier Boyer enclin à pratiquer un certain art du contre-pied, aucun album du groupe ne ressemblant vraiment à son prédécesseur, et on est une fois de plus pas déçu par ce qu'on entend ici. En effet, depuis le funkisant Fosbury, on n'avait plus entendu Tahiti 80 autant en phase avec son époque. L'influence des modèles comme les Kinks, les Byrds ou Big Star reste palpable dans cette recherche du refrain qui fait mouche, mais en 2011 le groupe rouennais s'est visiblement découvert une passion pour les boîtes à rythmes qu'il utilise ici à toutes les sauces – et avec une certaine efficacité, il faut bien le reconnaître. Le résultat? Un album d'une fraîcheur à toute épreuve qui, malgré quelques passages à vide, se laisse apprivoiser non sans plaisir. Et surtout, un disque qui voit la pop de Tahiti 80 s'accoupler avec des grooves synthétiques qui ne sont parfois pas sans rapeller Phoenix – le côté über hype en moins.
Agréable, c'est surtout dans sa dernière ligne droite que The Past, The Present & The Possible justifie son titre et laisse surtout apparaître un groupe décomplexé comme jamais. Le plus bel exemple de cet élan nouveau? Le morceau "Crack Up", qui avait déjà attiré toute notre attention dans sa version courte parue sur l'EP Solitary Bizness et s'étire ici sur 9 petites minutes. Révélation: on y voit le groupe lorgner sur des rythmes disco drogués tel qu'on peut les entendre sur des galettes estampillées DFA. Et quand on sait que James Murphy, grand Mogul du label new-yorkais, va désormais avoir un peu plus de temps libre suite à la désintégration de son joujou LCD Soundsystem, on lui saurait gré de se pencher sur le cas des Français de Tahiti 80, à condition que ceux-ci acceptent d'exploiter plus avant ce filon rétro-futuriste qui semble leur aller comme un gant.