The Overload
Yard Act
"Another one", comme dirait l’autre. Oui, encore un. Encore un groupe de post-punk. Encore un groupe de post-punk anglais. Encore un groupe de post-punk anglais avec des moustaches et des imperméables kaki trop grands. Comment donc s’y retrouver ? Comment savoir à qui accorder son attention parmi cette nuée de bleusailles agrippées à leur guitare ? On a bien songé à une gigantesque Battle Royale de gringalets mais, renseignements pris, ce ne serait pas "légal" (guillemets avec les doigts).
« The last bastion of hope / This once great nation has left is its humour / So be it, through continued mockery / This crackpot country half full of cunts. » Le voilà donc, cet atout majeur que les gars de Leeds peuvent agiter frénétiquement à la face de leurs concurrents et qui contribuera sans doute à creuser l’écart à l’avenir : des textes féroces délivrés à la perfection par James Smith, à la fois chanteur et parolier.
Chaque morceau devient une occasion de taillader ici, un businessman pathétique ("Rich") ou là, un citadin venu gentrifier les campagnes ("Fixer Upper"). Si Smith revendique ouvertement l’influence d’Alex Turner pour ses descriptions incisives et que son phrasé doit beaucoup à l’abattage de feu Mark E. Smith, on aura tout autant envie de désigner Yard Act comme les légataires d’une brit-pop qui n’avait plus trouvé d’ambassadeurs depuis longtemps. Dégaine de dandy à lunettes incluse, il est difficile de ne pas voir en Smith la prolongation d’un Jarvis Cocker période Different Class, jugeant ses semblables avec ce qu’il faut de cruauté, d’humour et de classe. On glissera également Parklife de Blur dans le sac à références lorsqu’il s’agit de tirer à vue sur ses concitoyens.
Quand l’écriture atteint un niveau tel qu’elle pourrait tout aussi bien s’apprécier sans tapis sonore, il faut être capable de ménager ses effets. Et quel meilleur moyen pour convaincre la foule de se joindre à leur bouffonnerie que de s’adresser directement aux jambes en laissant le cerveau disponible pour le reste ? Bien plus proches dans l’esprit de Do Nothing, The Lounge Society ou même des dernières œuvres de Parquet Courts, Yard Act mise gros sur la basse et les percus. Puisque le tapage est déjà exploité par les hargneux (Shame, IDLES, Crows) et les crises existentielles par les cérébraux (black midi, Squid, Gilla Band), autant prendre la tangente et virer dans le disco ravagé, les riffs tendus et les refrains à reprendre en chœur avec les potes. Au final, ils obtiennent le combo gagnant : faire danser en rendant les gens un peu moins cons.
Dark Days, leur premier EP sorti début 2021, avait déjà placé Yard Act sur la watchlist. The Overload ouvre un tas de portes dans l’excitation la plus totale. On n’ose imaginer la machine de guerre qui émergera lorsqu’ils seront débarrassés du poids de leurs influences.