The Mary Me E.P.

Brittsommar

Brittsommar – 2015
par Denis, le 29 juin 2015
7

À l’heure où la visibilité et la reconnaissance d’un projet artistique peuvent notamment se mesurer à l’aune du nombre de ses followers sur les réseaux sociaux, Brittsommar n’existe pas. Quand sont écrites ces lignes, le groupe compte moins de 800 fans sur sa page Facebook, laisse son compte Bandcamp en friche depuis 2010, se distingue par son inactivité sur Twitter et se contente d’un Tumblr tout brouillon pour présenter son actualité. En matière de stratégie de communication, on a vu plus élaboré et plus oppressant. Mais c’est peut-être là, aussi, que réside l’intérêt d’un groupe qui, dans l’ombre, a déjà livré deux albums non dénués de qualités : la surproduction contemporaine est telle qu’il est franchement impossible, même en sacrifiant son sommeil, son travail et sa vie sociale, de se farcir la totalité des productions musicales qualifiées d’“importantes” qui sortent chaque semaine et auxquelles on se sent malgré tout obligé de prêter une oreille.

Dans ces conditions, être accroché par le titre d’un groupe inconnu (et non appelé à devenir la formation hype du lendemain) est générateur d’un plaisir devenu trop rare : c’est en tout cas l’effet que j’ai ressenti à l’écoute du morceau liminaire de The Mary Me E.P., au détour d’une lecture aléatoire sur Spotify (où, en revanche, la discographie du groupe est bien accessible). Intitulé “Can’t Breathe On My Own”, ce premier titre est porté par des arrangements folk – batterie, guitare et violon – sur lesquels se pose la voix grave et torturée de Sawyer Gebauer, susceptible d’intéresser autant les amateurs de Matt Berninger que ceux de Mark Kozelek. De façon générale, le traitement de la voix confère sa singularité à l’ensemble des cinq titres, rendu cohérent par un similaire mélange de délicatesse et de noirceur, et où le texte est davantage scandé – avec quelques variations de hauteur et de ton – que chanté.

Rien de cela n’est révolutionnaire, mais rien n’appelle la survalorisation non plus : les membres de Brittsommar assument crânement la catégorie folk dont relève leur musique et l’ambiance feu de camp qui y est liée (jusqu’à verser dans le cliché en choisissant comme nom de groupe le terme suédois qui désigne l’été indien), mais leur dernière sortie vaut sans doute la peine de sortir de l’anonymat, fût-ce le temps d’une veillée.