The Machine That Made Us
Flotation Toy Warning
Flotation Toy Warning ou l’histoire d’un groupe brillant qui sort un premier album sublime puis ne donne pas de ses nouvelles pendant plus de dix ans, suscitant une attente fébrile de la part de ceux ayant eu la chance de poser une oreille dessus. C’est en 2004 que les Londoniens ont fait paraitre The Bluffer's Guide to the Flight Deck, incroyable disque de pop rêveuse et aquatique qui n'aura pas le succès qu’il méritait. Depuis, les amateurs que nous sommes n’ont cessé d’attendre des nouvelles du groupe, nouvelles qui ne sont tombées qu’au compte-gouttes: en 2009 le groupe travaillait parait-il sur un opus dont le titre était déjà The Machine That Made Us. Deux ans après il dévoil' deux morceaux (« When The Boat Comes Inside Your House » et « A Season Underground ») que l’on retrouve aujourd’hui parmi les dix pistes de l’album. Il aura fallu toute la force de conviction de Sean Bouchard du label Talitres (une histoire racontée ici) et treize ans pour pouvoir enfin entendre ce deuxième effort.
Le résultat valait-il cette attente ? Dès l’ouverture « Controlling The Sea », agréable mise en bouche, l’on retrouve l’univers céleste et décalé qui faisait la réussite de The Bluffer's Guide to the Flight Deck, porté par la voix d’outre-tombe de Paul Carter, dont les accents rappellent par moments ceux de Matt Berninger (The National) ou de Paul Banks (Interpol). Mais c’est véritablement avec le second morceau que l’on replonge véritablement dans l’univers unique de Flotation Toy Warning : « Due to Adverse Weather Conditions All of My Heroes Have Surrendered » (rien que le titre est magnifique) et ses cuivres composent une mise en abîme de toute beauté, puis les claviers de Vicky West et les choeurs hypnotiques ouvrant « Everything That is Difficult Will Come to an End » nous plongent définitivement dans une apnée dont on ne ressort qu’au bout du voyage. Plus loin, au coeur de l’album, « I Quite Like When He Sings » est la délicatesse faite musique, ballade désarticulée qui s’évapore dans les nappes.
Les guitares évanescentes forment l’ossature souple de cette « machine », dont la chair est faite de claviers et de nappes, le tout habillé d’orchestrations majestueuses, reprenant les choses là où The Bluffer's Guide les avaient laissées il y a si longtemps. La principale différence entre ce nouvel album et le précédent est que là où les morceaux de 2004 avaient la spontanéité des débuts, ceux de 2017 ont été conçus dans la durée, patiemment polis, le perfectionnisme des Anglais confinant à l’obsession. Le groupe réussit le tour de force de mêler des expérimentations futuristes dans les compositions et un classicisme pop typiquement anglais dans les arrangements, créant une harmonie parfaite, composant une esthétique à la fois atypique et familière. Comme son grand frère, The Machine That Made Us est un disque qui s’ancre dans la durée et saura nous accompagner longtemps… pour les treize prochaines années ?