The Loon
Tapes 'N Tapes
A mesure que défilent les années, le terme "hype" semble inexorablement perdre de son sens et de sa superbe. Alors qu'à l'origine, cette expression était utilisée avec parcimonie pour définir un groupe hors du commun et souvent aidé dans son ascension fulgurante par une large couverture médiatique (s'accompagnant souvent d'articles soit élogieux, soit incendiaires), aujourd'hui la "hype" ressemble plus à une stratégie commerciale récupérée qu'à autre chose. Les "derniers phénomènes en date" se succèdent à un rythme effréné mais malheureusement (ou plutôt logiquement), l'engouement suscité dure à peine plus longtemps qu'un titre de Half-Handed Cloud…
Il faut dire qu'avec l'avènement de la blogosphère et le succès grandissant des webzines de tous bords, c'est le concept même de la "hype" qui semble avoir sérieusement pris du plomb dans l'aile. Aujourd'hui, on ne compte plus les biographies officielles parlant d'une formation comme de "the next big thing from …" ou citant une phrase sortie au pif d'un article fleuve made in Pitchfork. Et il semble que la machine ait plutôt bien fonctionné pour Tapes 'N Tapes, petit groupe de Minneapolis qui, après une sortie américaine plutôt confidentielle sur Ibid l'année dernière, se retrouve aujourd'hui signé sur l'excellent label XL Recordings. Evidemment, l'arrivée du groupe sur le Vieux Continent est précédée de chroniques dithyrambiques sur les webzines qui comptent, les amis se comptent par milliers sur leur page MySpace et les vidéos du groupe fourmillent sur YouTube (floues avec un son exécrable bien sûr). Bref, tout les éléments sont réunis pour accoucher d'une hype en bonne et due forme. Mais voilà, The Loon, loin d'être mauvais, ne justifie peut-être pas une telle frénésie. Paradoxalement, difficile d'émettre une quelconque critique radicale à l'égard d'un album qui, pour un premier effort, impressionne et renvoie à ses gammes toute une ribambelle d'apprenties vedettes.
Niveau influences, on entend souvent les noms des Pixies ou de Pavement mais honnêtement, vu leur récurrence dans les différents articles qu'il vous sera donné de lire au sujet du groupe, on se dit cela devait être les deux seuls que contenait la biographie officielle fournie avec le disque et que le chroniqueur moyen s'est retrouvé bien con au moment de parsemer sa prose de quelques références qui en jettent un minimum. Car le groupe se plaît à ratisser bien plus large que ces deux noms. Certes, le format est simple et direct, et pourtant, à l'image des formidables Envelopes, on perçoit aisément chez Tapes 'N Tapes les restes d'une jeunesse passée dans les médiathèques et les magasins de disques indépendants à se constituer une culture musicale digne de ce nom. Cela se ressent dans l'urgence de "Just Drums", dans le fond de commerce rockabilly de "Insistor", dans les nappes de synthé juvéniles de "In Houston" ou dans les variations mélodiques inattendues de "Manitoba" et "10 Mallon Ascots".
Aussi, pour profiter de The Loon à sa juste valeur, il vous faudra peut-être faire abstraction de la pression médiatique entourant le groupe et prendre cet objet pour ce qu'il est vraiment: un premier disque épatant de maîtrise qui fait de Tapes 'N Tapes une incontestable révélation de cette rentrée mais probablement pas une bonne vieille hype comme l'ont été en leur temps les Strokes ou The Arcade Fire.