The Liz 2
Armani Caesar
Les années se suivent et se ressemblent pour la nébuleuse Griselda, dont le stakhanovisme n’a pas d’équivalent dans le rap depuis la semi-retraite de Gucci Mane : entre l’album de la BSF Family de Benny The Butcher dont on a omis de vous parler à la fin de l’été et le dixième volume des fameux Hitler Wears Hermes qui arrive ce vendredi, on profite de ce minuscule créneau pour évoquer le retour en fanfare et tenues extrêmement légères d’Armani Caesar, toujours chaperonnée par le boss Westside Gunn qui endosse à nouveau le rôle de producteur exécutif sur la suite de The Liz, premier album pour Griselda Records paru en 2020.
D’ailleurs, sur papier, il n’y a pas que le retour du 'FlyGod' à la DA qui renvoie à cette notion de continuité : une Liz Taylor à trois yeux peinte par Isaac Pelayo fait son retour sur la pochette, comme une liste d’invités plus prévisible qu’un dérapage antisémite dans une interview de Kanye (sauf peut-être un Kodak Black lilwaynesque sur le lascif « Diana ») et des producteurs qui étaient pour la plupart au charbon sur le premier volet – Camouflage Monk, Denny Laflare et bien sûr Daringer, qui est sur un très bel exercice 2022. Et ce désir de s’inscrire dans la continuité est logiquement la principale force de The Liz 2.
En outre, dans la foulée d'un premier projet concluant, Armani Caesar a pu aiguiser son rap à l’occasion de nombreux featurings pour les têtes de gondole du label – qui lui renvoient promptement l’ascendeur, à l’image d’un Benny The Butcher qui débarque le couteau entre les dents sur « Hunnit Dolla Hiccup ». Aussi, la native de Buffalo se présente à nous avec une confiance en elle qui atteint des sommets avec lesquels rivalisent apparemment son compte en banque, et elle ne cache plus son envie de cimenter pour de bon son statut de Lil Kim des années 2020. Car tel la Queen Bitch de BedStuy, Armani Caesar a le flow véhément et la punchline bravache, n’hésitant jamais à asseoir sa supériorité sur la concurrence à la seule force de son cahier de rimes - celles-ci ne ratant jamais une occasion de dire tout ce qu'elle peut faire, au propre comme au figuré, avec ses organes reproducteurs. Tout cela d’autant plus efficace que le neo-boom bap graveleux privilégié par son mentor est propice à valoriser les rappeurs carrés et techniques – un morceau comme « Survival of the Littest » résume à lui seul les progrès de l'Américaine sur ce terrain.
En réalité, la seul élément qui pourrait à terme se révéler être un frein à son ascension, c’est précisément celui qui a contribué à lui donner une visibilité amplement méritée : car quand on connaît la proposension de Griselda à rester enfermé dans une logique et une esthétique, on peut se demander si Armani Caesar ne gagnerait pas à aller voir ailleurs, pour essayer de se frotter à une Cardi B ou une Megan Thee Stallion, ses concurrentes naturelles. En tout cas, le titre qui clôture l’album, « Sike », semble indiquer une volonté manifeste d'aller dans cette direction, et on ne peut que s'en réjouir.