The Last Will and Testament
Opeth
Une fois n’est pas coutume, c’est en smoking que vous allez écouter votre metal. Opeth est de retour pour un quatorzième album et comme d’habitude avec eux, on va bien se prendre la tête. Quelque peu honnis depuis un Heritage qui abandonnait presque tout de son death metal mélodique – que les fans hardcore se calment tout de suite, on sait que ce n’est pas que ça – pour la jouer progressif à fond les ballons, les Suédois avaient beaucoup à miser sur ce coup-ci. Comme une éternelle rengaine, Mikael Akerfeldt (chant et guitare) a encore fait le ménage dans son groupe et s’occupe comme un grand de composer l’intégralité de The Last Will and Testament. Un titre obscur qui ne l’est pas vraiment puisque les cinquante minutes que font ce nouvel album nous racontent une sombre histoire de testament dans les années vingt, où un père sombre et cruel se découvre une volée d’enfants illégitimes qui découvriront que leur patriarche est en somme un gros enculé. Et chaque titre est ici un paragraphe du maudit papier. On y est, on le sent venir : Opeth est là pour raconter une grande histoire. Et forcément, quand les Suédois décident de s’y mettre, ils font venir les camions de fromage avec.
En réalité ce The Last Will and Testament ce n’est pas vraiment une grosse raclette, c’est un menu quarante-cinq services dans un restaurant étoilé avec accord mets/vins, kombuchas maison et quatre desserts, sommeliers tirés à quatre épingles et brigades en cuisine supplément blitzkrieg. Il y a tellement à manger sur la table que ça parait intenable à première vue - j’aimerais d’ailleurs qu’un nerd fan de notre rédaction puisse nous rendre compte du nombre d’idées et de changements structurels à la minute pendant la durée de ces huit titres. Il est hallucinant d’assister à ce défilé en temps réel : du chant clair, du chant growlé (les premiers depuis quasiment dix ans, wouhou), des dizaines d’instruments de babosses, une batterie qui joue à un niveau absurde de qualité, des flutiaux, de la harpe et des riffs de seigneurs. Et tout ça se refuse à jouer plus de quinze secondes la même chose. On enchaîne les séquences les unes après les autres dans une grande ambiance symphonique, théâtrale et grandiloquente.
À Un dîner presque parfait, il y a beaucoup de chances que ce disque prenne la taule qu’il mérite et pourtant ça marche. Ca marche même incroyablement bien. Parce que le talent ici n’est pas tant d’aligner une centaine d’idées en cinquante minutes mais de faire en sorte que ça tienne debout. Et là, c’est le miracle. La sauce Opeth lie le tout sans la moindre difficulté et offre là un disque aux millions de tiroirs, hommage absolument total aux plus grandes œuvres de rock progressif. Le coup de maître est significatif, les écoutes s’enchaînent et laissent découvrir un album à la richesse inégalée (même sur des standards opethiens), véritable mine d’or en son cœur.