The Hornbook
Gus Englehorn

Les chemins qui nous mènent à certains disques sont parfois tortueux, mais certains peuvent s’avérer relever de la plus vulgaire trivialité. Nul besoin d’un énième communiqué de presse aux pirouettes fascinantes d’inventivité ou d’une publication sponsorisée entre deux paires de fesses rebondies. Une pochette immonde, et le tour était joué : Gus Englehorn tombait dans nos filets. Ancien snowboarder qui a échoué aux portes des sphères professionnelles, l’Américain s’est depuis reconverti dans une carrière musicale qui a évolué au gré de ses innombrables déménagements, poursuivant un exotisme logé dans les recoins de son encéphale.
Car Gus Englehorn, davantage qu’un musicien, est un narrateur. Un conteur, un affabulateur sans doute, mais indubitablement l’unique guide à travers les méandres de son dédale intérieur. Dès l’ouverture de The Hornbook, se pose alors une question : « What do you know about One Eyed Jack ? ». A priori pas grand chose, pourtant le ton est donné : tout ici convoquera les monstres, les fables et les facéties issues des vicissitudes de la psyché féconde de l’Américain, qui théâtralise alors chacune de ses chimères dans des atmosphères devant autant au rock psychédélique qu’au surréalisme le plus évident. Loin d’être l’épigone d’André Breton, Gus Englehorn fait toutefois sienne la volonté du maître d’enrichir la réalité des déploiements concrets de la pensée et du rêve, créant par là une « sur-réalité » à laquelle participe chacune des fantaisies de The Hornbook. Un air de ressemblance avec Alice au pays des merveilles donc, dont l’influence sur l’équipée du rêve n’est plus à démontrer.
Mais aux excroissances de son esprit, Gus Englehorn greffe également un décorum puisant aussi bien dans l’âge d’or des musiques psychédéliques que dans le raffinement glam, exhalant parfois les excentricités d’un Syd Barrett. Une recette qui baigne l’auditeur dans une forme d’émerveillement kaléidoscopique, quand les ressorts - on pense notamment à "Sweet Marie", certainement le titre le plus accessible de l’album - ne sont pas d’une classieuse banalité. Finalement, The Hornbook démontre que sur les sentiers escarpés de son imagination, Gus Englehorn semble avoir trouvé sa voie. L’Américain réussit à ne pas verser dans l’embarras d’un folklore caricatural ou d’une mièvrerie bigarrée, mais livre un album dont nous n’avons pas fini d’embrasser l’univers. Des retours de pêche comme ça, ça ne se refuse pas.