The Golden Archipelago
Shearwater
Si personne n'est à l'abri de la hype fulgurante et d'un coup de coeur inattendu, il n'y a rien de plus jouissif que de voir un artiste ou un groupe s'agripper à une courbe de progression ascendante et atteindre lentement mais sûrement les sommets de la reconnaissance médiatique et populaire. Si on ne peut pas dire que Shearwater truste les ondes et les couvertures des magazines branchouillards, on peut affirmer sans trop se tromper que le groupe bénéficie d'un capital crédibilité en béton armé depuis la parution il y a deux ans du monumental Rook, disque qui voyait le songwriting de Jonathan Meiburg atteindre des sommets de sensibilité et d'émotion – et qui a été jusqu'à séduire Chris Martin qui a décidé d'emmener le groupe sur la dernière tournée américaine de Coldplay. Forcément, pour tout qui suit de près la carrière du groupe texan, la sortie de ce sixième album (le deuxième pour le compte de Matador) s'accompagne d'attentes pour le moins énormes et d'une question inévitable: Jonathan Meiburg et les siens vont-ils pouvoir faire mieux (voire tout aussi bien) et si oui, comment vont-ils bien pouvoir s'y prendre?
Si votre regard a avant tout été attiré par la note accordée à The Golden Archipelago, vous avez déjà la réponse à la question ci-dessus. Car oui, s'il semble clair que le groupe s'est donné les moyens de ses ambitions, le résultat est loin d'étancher la soif de ceux qui attendaient un digne successeur pour Rook. Où faut-il alors aller chercher les raisons de cette petite déception? Peut-être dans les envies de grandeur et/ou de perfection de Jonathan Meiburg.
Si le groupe est resté fidèle à ses grands thèmes de prédilection (en gros, les oiseaux), il semble s'être quelque peu dilué dans se recherche d'une certaine beauté sonore et vocale qui ferait plaisir à entendre si elle était mise au service de compositions renversantes. La voix cristalline de Meiburg associée à des arrangements aussi épars que délicats ont souvent fait des merveilles sur les disques de Shearwater (et par ailleurs attiré les comparaisons avec les esthètes de Talk Talk), et il eut été forcément dommage que le groupe ne continue pas d'explorer cette belle voie. Malheureusement, si Shearwater est encore capable d'atteindre les sommets de lyrisme pop qui lui ont permis d'occuper une place si spéciale dans nos cœurs ou de nous remuer les tripes avec son folk tendu et racé, il donne un peu trop souvent dans le banal ou l'anodin – du moins si l'on juge ce Golden Archipelago à l'aune des précédentes réalisations de Shearwater.
C'est bien connu: qui aime bien châtie bien. Et pour le coup, la punition ne se fait pas attendre pour Shearwater. Globalement, ce Golden Archipelago a reçu un accueil plutôt mou du genou, et ce n'est pas ici que l'on viendra contredire celles et ceux qui voient dans ce nouvel opus un disque magnifiquement produit certes, mais paresseusement écrit, et surtout bien loin de refléter les qualités véritables d'un groupe qu'on espère voir retrouver les sommets au plus vite.