The Fourth Level Of Comprehension
Porzellan
On se plaignait il y a peu de ne pas pouvoir apprécier les producteurs du label [parvoart] sur des albums plus longs, le label de Berlin s'obligeant à sortir encore et toujours des mini-disques 3 '' offrant au mieux une demi-heure de musique. Heureusement, le hasard fait parfois bien les choses puisque Porzellan – producteur émérite de la structure allemande - nous a communiqué son dernier album après avoir lu notre chronique de la très bonne compilation-anniversaire « [parvoart] advent ». Nous sommes donc heureux car cette fois, nous pourrons découvrir le talent du Français sur un disque alignant soixante minutes de musique - disons le tout de suite - d'un très haut niveau.
Francis Cazal est avant tout un violoniste accompli, passionné par l'œuvre de Bach et donc forcément transcendé par l'époque baroque. The Fourth Level Of Comprehension est donc une référence directe aux tendances baroques et pré-romantiques, dans une version ambient stylisée au laptop. Et il ne faut pas longtemps pour que le charme opère : les drones plus ou moins retravaillés tendent directement vers la grâce dans un ensemble haut et à la fois proche de l'auditeur, très proche même. On se laisse prendre par la main au fil des couches superposées de violons détournés, plus ou moins retravaillés (« Nothing More Than Nothing » laissant entrevoir un son organique presque intact) et articulés dans de longues pistes aux débouchés extrêmement profonds.
Évoquant autant le spleen majestueux (« Nothing More Than Nothing », le magnifique « A White Wall & A Tree » et son infra-basse au millimètre, « Rosen ») que l'isolement mental (« Between Two Suns », "One Week & One Day"), la musique de notre Versaillais traverse l'espace sans faire de vagues apparentes, tout en imprimant de manière forte sa vision du modern classical au creux de nos oreilles. Évidemment avec ce genre d'œuvre, on aime ouvrir la fenêtre, respirer à plein poumons un air frais et se laisser conduire avec autant de légèreté que de gravité. Car la musique romantique se veut comme un réceptacle objectif d'émotions pures, un filtre qui rend les sentiments perceptibles à l'oreille, déterminables quoiqu'intacts. On entrevoit donc autant l'étreinte que la fatigue d'être, on se coince toujours entre deux eaux, sachant qu'elle son pures en toutes circonstances. Le spleen assumé, ou la joie d'être simultanément heureux et triste. Le bonheur de l'indétermination et du perpétuel regret. Certaines œuvres se vivent de l'intérieur et se ressentent comme un poinçon dans l'existence, sans jamais dégouliner ni se dénaturer. La grâce et la dignité nous dit-on, nous sommes prêts à le croire.