The First Exit

Tramhaus

Subroutine Records – 2024
par Jeff, le 9 octobre 2024
8

Comment sommes-nous arrivés jusqu’à eux ? Les arguments implacables d’un bon pote aux goûts sûrs, un algorithme soigneusement entraîné, le hasard le plus pur ? Difficile à dire, car tout cela remonte à trois ans maintenant – une éternité pour nos pauvres cerveaux tiktokisés. Une chose est certaine : impossible d’oublier l’apparition devant nos rétines ébahies d’une bande de Hollandais désinhibés débitant les ogives post-punk avec la décontraction et le naturel d’un groupe déjà bien blanchi sous le harnais.

Si deux EPs nous ont permis de ronger notre frein, le premier album du groupe basé à Rotterdam ne sort qu’en cette rentrée 2024, et c’est aussi louable intellectuellement qu’incompréhensible économiquement. Car lorsque Tramhaus déboule sur les radars en 2021, le post-punk est au sommet du cool (à l’époque on entend du Crack Cloud tous les jours dans Quotidien) et certains vont bien en profiter – en gros, à peu près tous les groupes passés dans les studios de Dan Carey. Il aurait été logique pour les Bataves de faire de même en ficelant rapidement un album histoire d’aller taper des cachets artificiellement gonflés. Sauf que ces cinq-là n’ont pas de plan de carrière et pour seule ambition de se marrer. Et ça s’entend.

Si Tramhaus a pris son temps pour sortir The First Exit, c’est parce qu’il a choisi de se bâtir une crédibilité béton au contact d’une fanbase qui n’a fait que gonfler, dans toutes les configurations possibles et imaginables, et partout où on voulait bien de lui. Un pari gagnant : contrairement à ces trop nombreux groupes qui sortent des albums à la production pachydermique mais dont la transposition au format live fait pschit (coucou le Fontaines D.C. de 2024), Tramhaus n’a pas ménagé sa peine et les roues de son van pour que ces nouvelles compositions soient validées par le public avant de l’être par le groupe lui-même. On ne s’étonne donc pas de retrouver sur ce premier album l’énergie et l’urgence des concerts – à dire vrai, on rajouterait quelques applaudissements et « woo hoo » entre les titres, et on croirait tenir un album live.

Pour un projet d’une trentaine de minutes à peine, la variété des ambiances et des cadences est tout bonnement ahurissante, comme la performance d’un chanteur qui cache plutôt mal ses influences – il y a du Sebastian Murphy (Viagra Boys) et du Lux Interior (The Cramps) là-dedans, et il faudrait être un sacré pisse-vinaigre pour s’en plaindre. Invitation à se bourrer fraternellement dans le mou dans une fosse, The First Exit a peut-être mal calculé le timing de son atterrissage, mais certainement pas la manière avec laquelle il gère celui-ci. On appelle ça “the subtle art of not giving a fuck”, et c’est génial.