The Eraser

Thom Yorke

XL Recordings – 2006
par Splinter, le 14 juillet 2006
4

Un album solo de Thom Yorke, le leader et chanteur de Radiohead ? Quelle idée saugrenue a priori ! Le groupe s'est en effet longtemps comparé au Conseil de Sécurité des Nations Unies : si chacun des membres a voix au chapitre, Yorke n'en demeure pas moins l'équivalent des Etats-Unis. C'est lui qui décide, lui qui a le dernier mot. Radiohead, ce n'est pas que lui, mais c'est essentiellement lui, ses textes, ses idées, ses conceptions. Dans ces conditions, on voyait mal l'intérêt d'un album en solitaire. On ne voyait pas ce que cela aurait ajouté ni même changé.

Et puis, finalement, pourquoi pas ? Si Radiohead est devenu au fil des ans et des albums l'un des groupes les plus importants au monde, c'est justement principalement grâce au talent de Yorke et de Nigel Godrich, producteur magique, qui transforme en or tout ce qu'il touche. Par conséquent, l'annonce d'un album "solo" de Yorke avec Godrich derrière les manettes a pu créer l'espoir d'une œuvre magistrale et somptueuse, peut-être débarrassée des interférences produites par les autres membres. Une œuvre qui aurait été composée de titres aussi sublimes que "Fog", par exemple, cette B-side interprétée par Thom seul au piano.

Malheureusement, les deux têtes pensantes ne l'ont pas entendu de cette oreille. D'abord, The Eraser n'est clairement pas un album de Radiohead, malgré cette voix, reconnaissable entre mille, malgré cette ambiance sombre et électronique qui caractérise les albums du groupe depuis, disons, Kid A, sorti en 2000, malgré quelques ressemblances ("Black Swan", pas très éloignée de "Backdrifts" sur Hail to the Thief, "The Clock", assez proche de "Morning Bell" sur Kid A). Surtout, The Eraser est une œuvre sans concession, conformément aux déclarations de Yorke depuis plus de six ans : presque pas de guitares, presque que des machines, une épure absolue.

Le tout, forcément, déçoit. L'absence quasi totale de support mélodique rend l'œuvre difficile d'accès. La froideur des compositions rebute. L'ambiance, suffocante, étouffante, épuisante, décourage les écoutes même les plus téméraires. Certes, en prenant son courage à deux mains, en persévérant, on se rend compte que la patte du Yorke que l'on connaît est là. Sur "Analyse", par exemple, peut-être le morceau le plus accessible de l'album. Sur "The Clock", également, déjà citée. C'est bien peu.

Ainsi, comme l'album solo de Jonny Greenwood, sorti en 2003, on se rend rapidement compte qu'il manque quelque chose. Une étincelle. Une présence. Non : des présences. Au final, on revient à notre question de départ. Pourquoi un album solo ? Les autres membres de Radiohead auraient, à notre avis, nourri chacune des compositions de Yorke, les auraient hydratées. Alors, aride, voilà. C'est le mot. Un album sec et peu convaincant, certainement pas destiné à toutes les oreilles. Et c'est le prétendu génie de Yorke qui en prend un coup.

Le goût des autres :
6 Julien 7 Nicolas