The Effects of 333
Black Rebel Motorcycle Club
Le Black Rebel Motorcycle Club n'est pas un groupe aimable. Rebelles à toute idée de plaire, Peter Hayes et Robert Levon Been prennent un malin plaisir à déstabiliser leurs fans, soit en leur clamant ouvertement leur haine ("We don't like you / We just want to try you", sur "Stop", en ouverture de leur deuxième album), soit en ponctuant leurs disques de larsens et d'autres sons pénibles (en toute fin de "Heart + Soul"), afin de les faire réagir et les inciter à se lever de leur fauteuil et à appuyer sur le bouton "Stop" de leur chaîne hifi. Définitivement opposés à toute idée de caresser leurs auditeurs dans le sens du poil, voici que les deux Américains, définitivement séparés de leur ancien batteur, Nick Jago, récidivent, mais cette fois-ci dans le cadre d'un album complet.
Ce nouvel album, The Effects of 333, a franchement de quoi surprendre. Avec l'excellent Baby 81, sorti en 2007, on avait eu l'impression que le groupe avait dépassé ses peurs et mis ses démons au placard, en produisant un opus sombre et fiévreux, certes, mais surtout très efficace, en parvenant à intégrer un discours ouvertement contestataire au sein d'un son rock, acceptable par la plus large audience ("Berlin"). On imaginait le groupe, non pas apaisé, mais déterminé à faire passer son message entre le plus grand nombre d'oreilles possible. On s'était trompé. Visiblement, le BRMC se moque du succès comme de sa première vidange, voire le fuit délibérément. Et l'on peut parier, cette fois, qu'il atteindra son objectif - totalement idiot - de ne pas atteindre les plus hautes places de classements de ventes.
D'abord, parce que The Effect of 333 est un album qui n'a pas vocation à être distribué physiquement. Sorti sur un label indépendant, il n'est disponible qu'en téléchargement (payant) sur le site du groupe. Ensuite, parce que cet opus est exclusivement composé de morceaux instrumentaux. A la rigueur, le concept pouvait séduire, car l'on sait à quel point Hayes et Levon Been sont capables de créer des mélodies folk et blues, comme ils l'ont prouvé sur Howl, leur album de crise. Mais, ici, le résultat fait plus que désarçonner : il déçoit profondément. Voici dix titres à l'ambiance noire et glaciale, constitués de sons étranges et dérangeants, loin des œuvres en solitaire du guitariste de Radiohead, Johnny Greenwood, passé maître dans l'illustration sonore de films.
Chutes de studio ? Morceaux refusés par leur maison de disques ? On l'ignore. A vrai dire, on a peine à croire, en écoutant des titres comme "Still No Answer" ou "A Sad State", franchement inintéressants et pénibles, que le groupe ait pu délibérément proposer cela à son public. Le plus triste, c'est que le BRMC risque de se mettre à dos même ses fans les plus irréductibles. Car en faisant payer 6 euros un album franchement mauvais, dont ne surnagent que quelques titres qui auraient sans doute pu donner naissance à de vraies chansons ("And With This Comes", "A Twisted State", "Or Needed"), Hayes et Levon Been pourraient bien attirer le ressentiment, voire la haine, de la part d'un auditoire qui n'est sans doute pas masochiste au point de se laisser cracher à la figure sans réagir. Vous ne nous aimez pas ? Nous ne vous aimons pas non plus. En tout cas, pas sur cet album. Carton noir.