The Duality of Decapitation and Wisdom
Veilburner
On parle trop peu, à mon sens, de metal bizarre. On passe notre temps à se casser le cul pour départager ce qui est grindcore de ce qui est sludge, epic ou doom mais on évoque trop rarement de ce qui se veut peu orthodoxe ou en marge (même légèrement) de la scène traditionnelle. Et si on avait l’habitude d’être servi de manière assez consistante par les Italiens de I, Voidhanger Records en bizarreries addictives, c’est Transcending Obscurity Records cette fois qui nous fait la passe décisive en plein axe avec la sortie de ce septième album de Veilburner. Et ce chiffre sept aura toute son importance puis que The Duality of Decapitation And Wisdom va littéralement tout baser sur ce chiffre mystique. Septième album donc pour sept titres de sept minutes, et tout le paquet de symbolique qui va avec. On est parti.
Montée sur un socle assez traditionnel de black metal et de death metal, la musique de Veilburner impose ici rapidement sa créativité à grands coups de colorations psychédéliques, de twists vivifiants mais aussi d’invectives vocales assez édifiantes. Etrangement, « Tem Ohp Ab In Mysticum » ouvre le bal de manière assez traditionnelle, mais à partir de « III Visions of Hex-Shaped Hiss, Behead The Howling Spirit », tout le blackened death des Ricains prend une tournure assez délicieuse et foutrement inattendue. A commencer par la voix de Chrisom Infernum, sorte de mélange iconoclaste entre un Saruman bien calé à Isengard qui prononce ses incantations pour déchaîner les éléments sur le Col de Caradhras, les parties les plus délirantes et plaintives des invocations de Leviathan et les grognements d’Attila Csihar période De Mysteriis Dom Sathanas. C’est incroyablement cinématographique et c’est terrifiant d’intensité.
Côté instruments, c’est incroyablement solide. Au-delà du fait que ça frappe fort – qui aurait imaginé le contraire ? – les sept titres entièrement composés et joués par Mephisto Deleterio usent la matière avec une variété et une intelligence supérieures : ça use de toute la dissonance mélodique possible pour se caler sur les litanies de l’autre excité, ça gicle des parties thrash metal sorties de nulle part, ça sort des effets sonores ridiculement puissants, ça varie toutes les hauteurs, tous les tempi à condition de ne rien perdre de l’aspect frontal du tout. Et ce grand tout tape sans cesse avec sa complexité sur le grand phare de notre résilience jusqu’à arriver à incarner une véritable vision sonore de l’enfer. Je veux dire par là qu’on y est vraiment, au beau milieu des flammes, des cratères et des gaz qui puent avec l’autre qui dirige son armée de goules comme un dictateur en début de mandat. Du coup, on relance ce disque sans arrêt, on en redemande toujours plus, notre oreille s’y fait et on devient le spectateur halluciné de ces sept cercles infernaux qui s’ouvrent inlassablement les uns après les autres. Passées sept écoutes, la matière prend sa forme définitive et nous laisse avec la certitude que The Duality of Decapitation and Wisdom est un banger absolu qui figurera dans toutes les listes annuelles un peu sérieuses. Si la note finale s’impose d’elle-même, l’écoute est absolument obligatoire.