The Documentary 2
The Game
Pour la suite de son mythique debut album sorti il y a maintenant dix ans, The Game a mis les bouchées doubles en invitant la moitié du rap-jeu à la fête organisée par le label Blood Money. Les 36 morceaux retenus pour ce sixième album ont été répartis sur deux disques et la longue liste d'invités pèse à peu près autant que le PIB du Togo puisque Dr. Dre, Kendrick Lamar, Q-Tip, Ice Cube, Nas, YG, Ty Dolla $ign, Busta Rhymes, Lil Wayne, Drake, Snoop Dogg, Diddy, Kanye West ont tous répondu présent. De même, côté production, The Game a recruté une dream team composée de Mike WiLL Made It, Boi-1da, Jahlil Beats, The Alchemist, Hit-Boy ou encore DJ fucking Premier.
Oui, au vu de la tracklist de son 6ème LP, Jayceon Taylor a pour objectif de mettre K.O. tous ces pauvres hérétiques qui refusent encore de croire qu'il est le descendant de Tupac. Sauf que quand on cherche à remonter sur le ring dix ans après ses premiers faits d’armes, on se rend vite compte que les coups assénés ont moins d’impact, que la lucidité diminue au fil des rounds et que le combat est loin d'être aussi prometteur que sur papier.
Heureusement, The Documentary 2 est sauvé par quelques enchaînements gauche-droite bien sentis qui renvoient aux années de gloire du rappeur de Compton, à l'époque où 50 Cent était encore son BFF. On retiendra notamment l’alchimie trouvée entre The Game et les artistes TDE: Ab-Soul balance un couplet de malade sur « Dollar And A Dream » tandis que ScHoolboy Q et Jay Rock violent l’instru de « Gang Bang Anyway ». Par ailleurs, sur le funky « Quiks Groove », The Game laisse parler le talent de l'immense DJ Quick pour un des meilleurs sons du double-album, porté par le refrain chantonné par Micah et Sevyn Streeter - difficile de ne pas ressentir une pointe de nostalgie au moment où Quick entame son couplet avec un flow qui n'a pas pris une ride depuis Quick Is The Name.
Parmi les autres titres à retenir, il y a tous ceux où le rappeur est en solo, dont l'intime « Life » qui clôture le projet sur un magnifique sample de Whitney Houston. Mais on pointe ici directement du doigt l'incohérence qui hante cet album, et peut-être bien la discographie entière de The Game: avec un total hallucinant de 46 invités sur l'ensemble du double-disque, c'est bien quand le rappeur ne partage pas le mic qu'il est le plus efficace. Pour l'auditeur, la confusion est totale et on en vient à remettre en question l'ensemble du concept de The Documentary 2, projet bordélique par excellence.
Plusieurs éléments mettent en lumière cette approche chaotique: tout d'abord, les sons avec Kendrick Lamar, King Mez et Anderson .Paak ressemblent à des piètres tentatives de retrouver la fabuleuse ambiance de Compton - c'est même à se demander si ce ne sont pas des tracks jetées par tonton Dr. Dre et recyclées pour l'occasion. Même remarque pour le single « 100 » qui aurait plus sa place sur If You're Reading This It's Too Late que sur un album sensé incarner la West Coast. Ensuite, les quelques tentatives désespérées de retrouver le feu sacré de 2005 peinent à convaincre, comme l'inintéressant « Like Father Like Son 2 » sur lequel The Game se fout bien de notre gueule en samplant le refrain que Busta Rhymes avait balancé il y a dix ans. Enfin, l’ensemble est purement et simplement plombé par d’énormes ratés difficilement pardonnables pour un blockbuster comme The Documentary 2: le pitoyable « Standing On Ferraris », le médiocre « Mula », l’inécoutable « Hashtag » ou l’hymne désespérément radio-friendly « L.A. » ruinent totalement l’écoute qui s'achève sur la désastreuse bonus track « El Chapo », produite par Skrillex, qu'on a connu davantage à son affaire quand il enfile son costume de producteur de rap.
Résultat des courses, The Documentary 2 défie toute logique et ne parvient jamais à se créer une identité propre. Même si le deuxième disque (intitulé The Documentary 2.5) est un cran au-dessus, force est de constater que depuis Doctor's Advocate les projets de The Game se limitent à un enchainement incohérent de tracks au casting prodigieux, ce qui ne suffit pas pour faire un bon LP, loin de là - mais bon, on sait que c'est un mal récurrent du hip hop américain moderne. Replacé dans son contexte, ce deuxième volet est une énorme déception. Sans véritables bangers / classiques à la « How We Do » ou « Hate It Or Love It », la bombe que devait être The Documentary 2 se révèle être un bon gros pétard mouillé, qui a explosé dans l'indifférence totale.