The Dark Age of Love
This Immortal Coil
Ha Coil... Soupirs. Confidentiels jusqu'à leur mort. 1984-2004, ou vingt ans d'une grandiose aventure musicale sans jamais le moindre répit - on référence une cinquante de sorties. John Balance et Peter Christopherson ont touché à tout : musique bruitiste, rituelle et industrielle mais aussi folk, ambient et musique électronique. Il y a eu du déchet, bien sûr, mais la trace qu'ils nous ont laissé est indélébile. Violents ou mélancoliques, spontanés ou cérébraux, ils ont crée un univers cohérent mais sans fin et leur œuvre est un puits de science et d'ésotérisme.
À la mort de John Balance en 2004, quelques uns se sont sentis orphelins d'un guide, d'un gourou capable de bouleverser leur vie de mélomane. Parmi eux, Stéphane Grégoire, fondateur du label Ici d'ailleurs. Comme d'autres, il ne s'est pas remis de la fin brutale de Coil, il ne s'est sans doute pas remis non plus d'Ape Of Naples, dernier album posthume d'une qualité trop exceptionnelle. Il a voulu alors rendre hommage, faire le deuil. Et plutôt qu'une gerbe de fleurs, un disque dédié semblait plus approprié. Il a alors appelé les pontes de son label (Matt Elliott, Yann Tiersen) et des grands noms de sa wish list (Yaël Naim, Bonnie Prince Billie, Sylvain Chauveau) pour se réunir et relire ensemble les partitions de Coil. La plupart n'avaient jamais entendu parler du groupe ou alors si peu. Il a fallu découvrir, fouiller, creuser jusqu'à recueillir un substrat mélodique, une essence, pour pouvoir "transposer cet univers musical unique vers un autre plus classique, et plus lisible par le plus grand nombre. Il s'agissait de rendre hommage à la musique pour son fond et non sa forme" (Stéphane Grégoire).
Ainsi, le Coil chirurgical de la fin de carrière est devenu – résultat du groupe de travail This Immortal Coil – un disque gris et flou, un temps d'orage qui n'éclate pas. Folklorique et abstrait, The Dark Age of Love est un album tourmenté et noir qui à la froideur clinique a préféré la détresse en clair-obscur. On se sentirait bien du côté de chez Matt Elliott sans les ambiances portuaires. On ne s'étonne pas non plus que le tout ait été mixé par Oktopus (Dälek). Plus surprenante, par contre, est la présence de Yael Naïm, qui pourtant nous livre la meilleur reprise possible de "Tattoed Man", une reprise dépressive à l'écoute émotionnellement dangereuse. Hormis ce sommet-là, The Dark Age of Love est un disque homogène et unitaire, une interprétation concertée mais déconcertante d'un groupe qu'on ne finira pas de redécouvrir. Quant à Stéphane Grégoire et Ici d'Ailleurs, il réalisent avec brio la mission qu'ils s'étaient fixée : transmettre, faire connaître, s'efforcer de tisser une mémoire de Coil avec pédagogie et passion.