The Crackle Of My Soul
Cindytalk
Un groupe de rock sur Editions Mego, voilà une chose qui pourrait étonner à première vue quand on connait la place prépondérante qu’occupe le label autrichien sur la scène des musiques électroniques dites expérimentales. Et pourtant Cindytalk justifie directement du choix de leurs nouveaux patrons : ancien groupe avant-rock à la discographie bien chargée (pour le propos nous nous contenterons de signaler leur trente années d’activisme), cette formation nous revient après quinze ans pour nous proposer la face électronique de leur travail. Un revirement total qui séduit à peine le disque lancé.
La musique de Cindytalk s’apparente directement à ce qui se fait de meilleur en matière d’ambient/indus : de longues plages abstraites, des nappes qui grésillent et pas mal d’électricité dans les textures. Jamais violent (on le verra plus loin) mais toujours menaçant, le son qui fait cracher les enceintes se veut scientifique mais est trahi par un grain d’une beauté toute humaine, travaillé à la main et guidé à l’oreille. Si The Crackle Of My Soul était la photographie d’un lieu, ce serait celle d’une usine nucléaire (tiens donc) : comme le reflet sonore d’une poignée de micros dispersés ci et là dans les cœurs même de réacteurs en état de marche. Tout est tendu et en plein activité, tout travaille à une puissance démultipliée sans pour autant transcrire à l’oreille toute la violence potentielle de l’opération : comme un profane observant au travers d’une vitre l’entrechoquement des particules sans saisir pour autant que ce genre de réaction dégage une puissance susceptible de détruire l’entrepôt dans lequel il se tient debout (et bien plus sûrement).
En ce qui a été exposé plus haut, Cindytalk joue au niveau des plus grands en la matière, mais ne révolutionne rien. Alors comme pour me faire mentir, le combo ira jusqu’à remplir les espaces d’une émotion toute romantique, spatialisant des nappes aux couleurs d’émotions pures (« Maglev », le final de « Troubled Aria »), allant même jusqu’à faire chanter des sylphides sur certaines pièces (le superbe « Our Shadow, Remembered » ; « Feathers Burn » croisement entre Merzbow et Efterklang). Bref, The Crackle Of My Soul impressionne par sa puissance contenue, sa matérialité abrupte et par son ambiguïté entre ambient/noise et lyrisme un peu voyeur. Les fans de noirceur apprécieront ; les rêveurs, eux, y trouveront leur compte à condition de forcer un peu les écoutes. Le rêve ici se provoque, rien n’est gratuit. Quand on sait que The Crackle Of My Soul est le premier volet d’une trilogie, on se dit que les gars de Cindytalk (et plus largement Editions Mego) ont encore de beaux jours devant eux. Encore un choix pertinent du label, pour ne pas changer.