The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett
Eels
Joignons notre voix au chœur des louanges : le nouveau Eels est bien. Très bien même. On sentait déjà à l'écoute des premiers extraits dévoilés que le Californien avait décidé de revenir à ses amours acoustiques et doucement orchestrales, sans qu'on ne l'imagine si haut. Car si nous avions aimé le précédent effort, Wonderful Glorious, ce onzième opus vient tutoyer les sommets, à coups de voix éraillée et de guitare sèche.
C'en est fini des arrangements électroniques de "Novocaine for the Soul" ou de la longueur de Blinking Lights and Other Revelations, The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett est à la fois court et dépouillé. Il est introspectif également, ce que l'on devine dès la (très belle) pochette du disque. Pour la première fois, l'auteur-compositeur-interprète affiche son vrai nom dans le titre, Mark Oliver Everett, dont il va chanter les édifiants récits. Pour la première fois également on le voit sur la pochette en gros plan et non dissimulé derrière cette barbe qui faisait pâlir d'envie le plus poilu des ZZ Top.
S'il est dépouillé l'album n'en est pas moins très travaillé. L'enchaînement de ballades lumineuses semble si abouti que l'on n'ose pas imaginer que l'ordre des chansons puisse être différent. De fait l'ensemble, treize morceaux pour quarante minutes, est si bien construit qu'il parait en durer moitié moins. Au sein de ce bloc E parvient à faire varier les émotions et les sonorités sans en affaiblir la somme, comme sur "Agatha Chang" où son timbre se fait si grave qu'on le confond avec la voix blanche de Matt Berninger; comme avec l'inspirée et sombre "Dead Reckoning", qui fait suinter le doute goutte à goutte. Et bien sûr il y a ces évidences, ces merveilles que l'on distingue dès les premières notes : "A Swallow in the Sun" et "Mistakes of My Youth", parfaites pépites pop, deux chansons à la fois parmi les plus fortes de l'année en cours et les plus belles du groupe.
The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett est encadré par "Where I'm at", instrumental d'ouverture, piano et cordes, "Where I'm From", au mitan de l'album, et "Where I'm Going" en conclusion. Ce triptyque autocentré et affirmatif (où en suis-je, d'où je viens, où je vais, sans point d'interrogations) positionne le disque comme le point d'orgue d'une déjà luxuriante discographie, laissant entrevoir de belles pistes pour l'un des artistes les plus complet et productif de sa génération.