The Body, The Blood, the Machine
The Thermals
Punk rock, post grunge ou garage rock sont autant d'appellations contrôlées qui sont régulièrement utilisées pour décrire la musique de The Thermals. Ce petit groupe de Portland signé chez les toujours excellents Sub Pop débarque en cette fin d'été avec son troisième album dont la difficile mission sera de faire mieux - ou au moins aussi bien - que son prédécesseur Fuckin' A. Pour atteindre l'objectif fixé, le groupe se voit dans l'obligation de faire taire les oiseaux de mauvais augure qui annoncent un album forcément moins bon en raison du départ du batteur Jordan Hudson et du changement de producteur - exit Chris Walla, le guitariste de Death Cab For Cutie. Mais à tout problème sa solution: c'est la bassiste Kathy Foster qui s'est chargée de remplacer le déserteur tandis que le chanteur Hutch Harris s'est occupé des parties de guitare et de basse. Quant au travail de production, c'est à Brendan Canty, batteur de Fugazi, qu'il a été confié.
L'équipe en place, nous pouvons pénétrer en toute confiance dans l'univers de The Thermals. Un univers que l'on s'imaginait encore plus brut de décoffrage qu'à l'accoutumée avec l'arrivée aux manettes d'un homme officiant au sein d'une formation dont on connaît l'affection pour les mélodies directes et rugueuses. Mais à l'arrivée, c'est pourtant tout le contraire qui se produit: après un début en fanfare qui voit le groupe foncer tête baissée et balancer avec une rage particulièrement communicative des titres explosifs dans la plus pure veine des albums précédents ("Here's Your Future" ou "Ear for baby"), celui-ci calme temporairement le jeu et va même jusqu'à explorer une veine plus pop avec l'ajout de claviers sur le très réussi "A Pillar of Salt" évoquant du Weezer sous amphétamines.
Déconcertant dans un premier temps car beaucoup moins fulgurant et pêchu que le reste de l'album, ce nouveau virage adopté par The Thermals crée une accoutumance après quelques écoutes répétées. Les dix titres de The Body, The Blood, The Machine sont évidemment courts (quoique certains frôlent parfois les cinq minutes, chose assez rare pour le groupe) et d'autant plus séduisants qu'un soin tout particulier a été apporté à la voix unique de Hutch Harris: mise en avant pour donner encore plus de puissance à des textes revendicateurs qui n'épargnent pas George Bush et sa garde rapprochée de chrétiens fascistes, elle se marie à merveille à des riffs acérés et à une batterie déchaînée où le charleston en prend constamment pour son grade.
Cet enchaînement de brûlots punk et de passages plus apaisés témoigne d'une maturité incontestable dans le chef des Thermals et marque une nouvelle étape dans la jeune carrière du groupe. Mais attention, ce n'est pas parce que le duo a découvert le sens du mot "nuance" qu'il a cessé d'être une irrésistible machine de guerre.