The Black Swan
Bert Jansch
L’an dernier, Devendra Banhart et quelques-uns de ses compères de la scène folk actuelle (appelez-la neo, weird ou tout autrement) s’étaient permis de réhabiliter Vashti Bunyan par le biais de Lookaftering, deuxième album de la dame plus de trente-cinq années après Just Another Diamond Day. Une bien belle histoire en somme pour cette désormais mamy dont la petite anecdote raconte qu’elle interrompit sa carrière en 1968 dans le simple but d’aller à la rencontre de Donovan sur l’île de Skye. Et si la roue tourne, ce n’est pas que dans un sens.
Pour preuve, cette fois-ci c’est un ancien de la maison folk qui invite ses jeunes condisciples à participer à son dernier album. A l’image d’un vieux sage initiant les jeunes pousses de la tribu, Bert Jansch a convoqué Devendra Banhart, Otto Hauser (Espers, Vetiver), Kevin Barker (Currituck County, entraperçu aux côtés d’Antony) mais également Beth Orton et David Roback (Mazzy Star) sur The Black Swan, son vingt-deuxième album solo produit par le bassiste Noah Georgeson (Joanna Newsom, Banhart encore !). A moins que ce ne soit une manœuvre bassement commerciale pour ce songwriter un temps comparé à Bob Dylan en vue de s’ouvrir à toute cette nouvelle génération d’ados qui écoutent du folk plutôt que les Arctic Monkeys. Méprisé il y a peu, ce style est, en effet, entré de plain-pied dans la modernité. Et ce n’est pas Banhart qui me dira le contraire, lui qui vend des voitures à grand coup de "I Feel Just Like A Child".
N’ayant rien perdu de sa verve créatrice qui fit de lui l’un des guitaristes folk les plus estimés de l’Angleterre des années 60, cet ancien membre des Pentangle nous livre donc avec Black Swan huit nouvelles compositions ainsi que quatre titres complètement réarrangés du répertoire traditionnel. Si les passages où Bert Jansch est seul à la guitare ("High Days", "The Old Triangle" et "Hey Pretty Girl") mettent davantage en évidence la vigueur de son picking et sa voix rauque si caractéristiques, le reste n’en demeure pas moins dénué d’intérêt. A commencer par ce morceau traditionnel ("Katie Cruel") aux percussions orientalisantes (Otto Hauser et Kevin Barker) sur lesquelles s’enchevêtrent à merveille les voix de Beth Orton et de Devendra Banhart. Autre morceau phare de l’album, "When The Sun Comes Up" nous permet de retrouver la Beth Orton entraperçue sur le récent Comfort Of Strangers. Mais qu’on ne s’y trompe pas, la belle ne vole absolument pas (elle ne le pourrait de toute façon pas) la vedette à un monument comme Berth Jansch. Des morceaux comme "The Black Swan", "Watch The Stars" ou "Bring Your Religion" sont là pour le prouver. Même le duo instrumental au banjo ("Magdalina’s Dance") entre Bert Jansch et Paul Wassif, soutenu par la flûtiste Maggie Boyle, vaut le détour. Œuvre d’une très grande classe, The Black Swan sera pour beaucoup l’entrée dans le répertoire d’un très grand monsieur. Pour d’autres, ce sera la confirmation de son immense talent.