The Best Low-Priced Heartbreakers You Can Own
Finn.
Dans l'histoire du rock et de la pop, les frères Finn sont à l'origine de Crowded House, un gentil groupe qui s'est fait un petit succès et une jolie réputation dans les années 1980 avec des titres comme "Don't Dream It's Over" ou "Fall At Your Feet", qui sont aujourd'hui gravés dans l'inconscient populaire, sans d'ailleurs que l'on sache toujours qui en sont les auteurs. Cependant, et la précision est d'importance pour tous ceux qui détestent tant Neil Finn et ses frères que son fils Liam, également chanteur, le Finn. qui nous intéresse ici n'a rien à voir avec Crowded House. D'ailleurs, surveillez vos tags, ce Finn.-ci comporte un point après les deux n. Finaud.
Qu'on le veuille ou non, la musique a été reléguée depuis plusieurs années au rang de produit. Produit culturel, certes, mais produit tout de même. Il s'agit d'une marchandise presque comme une autre et quiconque peut aller se procurer le dernier album de Johnny Hallyday au Carrefour situé en sortie d'agglomération, en glissant le disque dans son chariot à côté de la salade et des couches pour le petit dernier. Regrettable ou non, c'est la situation actuelle et l'on sait gré à Finn. de ne pas se le cacher. Ses disques sont des biens culturels qu'il doit vendre pour pouvoir subsister. Ainsi, en intitulant son troisième album The Best Low-Priced Heartbreakers You Can Own, il affiche tout de suite la couleur et tente d'en tirer un argumentaire de vente. Si vous cherchez des chansons tristes, en voici une belle collection pour pas cher.
Originaire d'Allemagne, Patrick Zimmer, alias Finn., songwriter multi-instrumentiste et styliste à ses heures perdues, n'en est pas moins francophile, comme en attestent les notes de pochette de ce concept album découpé, comme une pièce de théâtre ou plutôt une tragédie grecque, en cinq actes (L'Anesthésie, la Sédition, la Mutinerie, la Bonace et la Pluie, l'Accord), le thème global étant, bien évidemment, l'amour et les relations compliquées. Précieuse et surmontée d'une voix haut perchée, la musique de Finn. est effectivement d'une majesté, d'une tristesse et d'une beauté à pleurer, avec une mention particulière pour le magnifique "Dew". Calmes et apaisantes mais interrompues à de nombreuses reprises d'envolées lyriques pertinentes ("In the Wake of", "Hearts of Roses"...), illustrées d'instruments variés (cordes et cuivres), les seize chansons de cet album démontrent de manière assez exceptionnelle que la belle musique, c'est la musique triste qui provoque la chair de poule.
En tournée avec José Gonzalès, dont on a déjà pu souligner ici les immenses qualités de songwriter et de mélodiste, Finn. fait désormais partie d'une petite bande de songwriters maudits, jadis emmenée par Nick Drake, qui trouvent dans leurs peines et leur désespoir le moyen de s'exprimer de la plus belle façon qui soit. Que l'on songe ainsi à Tom McRae, Damien Rice, à son compatriote Maximilian Hecker, ou, plus récemment, Daniel Martin Moore, voire Sigur Rós pour le côté enlevé et psychédélique de nombreux morceaux. Chacun des titres ici présent, habité et envoûtant, fait l'effet d'un petit diamant, patiemment ciselé, suffisamment émouvant pour, effectivement, vous casser le cœur en deux, sans jamais, au grand jamais, vous casser les oreilles. Bel exploit. Très bel album. Excellent produit.