The Asymptotical World EP
Yves Tumor
Finis les rôles de personnage secondaire dans une industrie pop au spectre de plus en plus large : Yves Tumor est au premier plan de la photo actuelle, et notamment depuis sa signature chez Warp Records pour In The Safe Hands Of Love. C’est qu’il en a fait du chemin, en très peu d’années. De la mystérieuse exploration afro-futuriste de Serpent Music à la pop-rock complètement assumée de The Asymptotical World, le parcours de l’enfant terrible de Knoxville est à la fois tout tracé et parfaitement original.
À peine un an après la sortie du gothique Heaven To A Tortured Mind, Sean Bowie est de retour avec un format beaucoup plus court, mais qu’on avait pu anticiper après la publication du single « Jackie ». Un titre fort, qui finira probablement dans nos tops de fin d’année, et qui traînait déjà derrière lui une forte histoire de rock’n’roll, de glam, et de pleins d’autres choses. Yves Tumor a toujours été très attaché à la guitare sous toutes ses formes, et c’est probablement ce sur quoi il faut insister à l’écoute des six titres titres qui composent The Asymptotical World. Il y a déjà quatre ans, on vous parlait d'un Experiencing The Deposit Of Faith davantage dédié à l’exploration qu’à la chanson, et sur lequel on retrouvait déjà un riche amour du riff et de la gratte - on vous (re)conseille d’écouter « E. Eternal » pour vous faire une idée.
On pourrait avoir l’impression qu’entre « Jackie », « Secrecy Is Incredibly Important To Both of Them » ou « ...And Loyalty Is A Nuisance Child », Yves Tumor a tourné le dos à une partie de sa discographie, plus douloureuse, plus difficile à prendre en main. En réalité, il semble plutôt qu’il ait décidé d’enfin relier entre elles les planètes d’une galaxie pas si incohérente. Celle de ses premières productions, des musiques noires américaines, dans laquelle la guitare de B.B. King et de Lenny Kravitz se rejoignent en faisant un détour par Funkadelic. Celle aussi d’une guitare qui est prête à salir la partition, comme le faisaient les percussions de Serpent Music. Mais The Asymptotical World, ce n’est pas qu’une actualisation de potentialités présentes depuis le début et qui enfermeraient Yves Tumor dans l’héritage du blues. C’est aussi une belle déclaration d'amour au post-punk, au glam, à tout un univers à propos duquel il avait envie de dire quelque chose. Dans ce même sens, les paroles deviennent plus resserrées, plus proches d’une poésie du quotidien, dans laquelle il laisse échapper le désespoir qu’on se plaît à entendre depuis des années.
Voilà ce que nous présente littéralement cet EP : un artiste en tension permanente vers un point de chute inatteignable. Pris entre le cri et l’orgasme, sa musique vient de dériver lentement vers un rock’n’roll puissant et douloureux. Puisse-t-elle poursuivre cette dérive, sans jamais en atteindre la fin...