The 030-Files
Shed
La terrible loi des cycles aura doucement fini de mettre une épaisse couche de poussière sur Ostgut Ton. Nulle nostalgie ou amertume ici, simplement un état de fait : les flingueurs que sont Marcel Dettmann, Ben Klock ou Steffi ne méritent que notre respect pour le boulot accompli avec le label, et qu'ils continuent d'abattre dans leur antre berlinois et dans les meilleurs clubs du monde.
Dans cette galaxie, le nom de Shed ne fait certainement pas partie des plus en vue pour remplir les big room ; René Pawlowitz semble s'être toujours tenu loin de la starification qui a accompagné certains de ses petits camarades. C'est certainement ce statut d'underdog éternel qui nous a fait lancer The 030-Files, d'autant plus que les dernières écoutes de The Traveller (2010) ou Shedding The Past (2008) commencent a dater. Les incartades sur 50Weapons ou le travail sous alias (Head High, c'est lui) ont toujours permis à Shed de ne pas être étiqueté comme un producteur de cette techno métallique qui a bétonné la renommée l'écurie Ostgut Ton. Au fond, avec une vision moins frontale et plus décalée, Shed aurait pu passer pour un tenant du revival British techno des années 2010 - Blawan, Ansome et consorts. Mais qu'attendre donc de notre bon vieux Shed en 2024 ? Rien, et c'est surement ce qui fait de The 030-Files une si bonne surprise.
Loin des albums souvent austères que nous servent les pontes de la techno, The 030-Files ne s'encombre pas d'une narration, ne cherche pas à nous scotcher avec son approche immersive ou totale. Shed s'assigne un job simple : produire de bons morceaux de techno, ni plus, ni moins. Parler simplement de techno serait d'ailleurs un poil réducteur tant le Berlinois injecte de la bass music par petite dose comme sur « Rocket », ou de la drum n'bass avec un track comme « Shot Rythm ». Les 8 titres de The 030-Files ne nous laissent pas le temps de poser notre manteau au vestiaire et de siroter un petit verre pour se mettre en jambes; non ils nous poussent directement vers le dancefloor sans aucune forme de politesse.
L'approche est directe, un poil trop directe peut-être pour faire de ce LP un objet musical qui durera dans le temps. Au mieux, il viendra se sédimenter avec le reste de la belle discographie du père Shed. Finalement, le gros avantage de The 030 Files c'est que Shed s'est rappelé à notre bon souvenir et qu'on espère le croiser plus souvent qu'un vieux pote au détour d'une soirée. À bientôt René.