Thank Me Later
Drake
Si Lil' Wayne est considéré comme l'un des meilleurs rappeurs actuels, nombreux sont ceux qui s'inspirent de cette mouvance récente, basée sur le swagger et les vibes piquées ci et là - en gros, le rock ou l'electro. Si l'on peut citer Kid Cudi en exemple, un autre rappeur s'est distingué dans cette nouvelle branche du hip hop, Drake. Lui, c'est le poulain de Weezy, signé sur son label Young Money depuis une paire d'années. Depuis lors, le Canadien multiplie les apparitions sur les mixtapes à succès (So Far Gone) et les sons bankables comme "Forever", la bande son du film sur Lebron James, More Than A Game. Ainsi, avec une gueule bien singulière et un flow qui l'est tout autant, Drake s'est petit à petit fait une place au soleil sur une scène hip hop internationale qui apparaît comme une bâtisse vieillissante, soutenue par des piliers fatigués, dans l'attente du coup de jeune. C'est dans ce contexte que le jeune canadien frappe à la porte maculée du rapgame, Thank Me Later à la main.
Et Drake sait pertinemment que c'est cet album qui lui permettra ou non de passer la porte. Vu qu'il ne compte pas squatter le paillasson outre mesure, il a mis le paquet le bougre : Kanye West, Swizz Beatz, TI, Timbaland, Jay-Z, Alicia Keys, Young Jeezy, Nicki Minaj ou Lil' Wayne ont tous mis la main à la pâte. Du lourd comme on dit. Ce n'est finalement que le simple retour du rôle de « rappeur à featurings blastés sur MTV » qu'il joue depuis quelques temps. Car outre ses capacités de MC pur et dur, monsieur chante, d'une manière un peu niaise, et en plein délire R'n'B. En d'autres termes, il a la faculté de saloper des morceaux en y plaçant des refrains électronisés de mauvaise facture, mais fort heureusement pour lui, ce n'est pas cela qui l'a empêché d'acquérir une certaine notoriété, que le rookie se doit de confirmer. Reste à savoir si la mayonnaise va prendre sur Thank Me Later.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'album cultive parfaitement cette veine ou plus exactement ce tandem chant / beat saturé, si bien que c'est ce que l'on retient le plus de ce premier effort studio officiel. Drake passe le plus clair de son temps à vocaliser sur des instrus électro-fades, entre sérénade et chant funèbre, comme sur « The Resistance ». Pour notre plus grand soulagement, il parvient également à sortir de cette comptine auto-tunée sur certains morceaux, comme sur « Over », certainement la track la plus réussie de l'opus. Ne soyons donc pas trop dur avec le jeune Aubray Graham et penchons nous sur ce qu'il fait de mieux. Et définitivement, on peut dire que c'est rapper. Sur « Up All Night » ou « Light Up » (où le sacro-saint Jay-Z nous fait le plaisir de toaster), le Canadien montre qu'il en est dignement capable.
Mais sa fougue et ses aptitudes au talk-over, Drake ne les emploie que trop peu sur l'album, et c'est bien là le problème. Ce manque de robustesse, de brutalité nuit à la qualité du disque malgré des featurings plutôt réussis, où le garçon nous montre l'étendue de son talent à pondre des morceaux efficaces, comme sur « Miss Me » avec son mentor Weezy. On peut d'ailleurs louer le travail de Noah « 40 » Shebib à la production, travailleur de l'ombre sur ce projet, qui parvient à fignoler des mélodies propres et raccords avec le style du rappeur, pourtant délicat à cerner. Car, à mi-chemin entre le loveur et le MC au flow tranché, Drake ne trouve pas l'équilibre, source de justesse et de réussite. La présence d'un titre phare, aurait peut-être permis de solidifier le tout et de lui donner une saveur supérieure.
Sur ce sujet, Thank Me Later manque de contenu et d'identité, et nous laisse en bouche une impression de légèreté, un brin fade. Car la recette Young Money, caractérisée par l'exubérance et la facilité, ne permet pas réellement à Drake de se faire un place sur la carte des grands MC actuels. Malgré des ingrédients de qualité, son album ne nous rassasie pas vraiment car finalement, le tout manque de goût et d'authenticité, un peu comme les desserts de la cantine. Le meilleur que l'on puisse lui souhaiter est de retrousser ses manches et de nous concocter un projet plus appétissant à l'avenir, avec les épaules d'un chef.