Terrifyer
Pig Destroyer
Commencer une carrière dans le metal extrême tient quelque part du chemin de croix. Au-delà du fait que les genres sont bien balisés (croisements et hybridation compris) depuis plus de cinquante ans maintenant, il faut se préparer à devoir défendre une intensité dans la violence et conserver une énergie sans faille sur le temps d’une carrière. Ça en devient vraiment décourageant quand on se penche un peu sur le niveau de haine et de puissance déjà développé par un paquet de groupes au sommet de la chaîne metal. Comment débuter en studio et imaginer son projet grindcore (on l’appelera pour l’exercice Anal Putrid Babies) en ayant seulement une pensée pour la carrière de Pig Destroyer ? Onze albums sans aucune faute. Onze albums où le grindcore, le death metal, le hardcore, le thrash et le crust-punk ont fini par fusionner dans ce qui est devenu aujourd’hui un modèle absolu. Une sorte de modèle définitif pour tous ceux qui veulent jouer extrêmement rapide et furieusement puissant.
Rassemblés pour les vingt ans de la sortie de Terrifyer - troisième album qui fait suite à Prowler In The Yard, peut-être le meilleur album de grindcore de tous les temps – on se paie ici l’écoute de l’édition deluxe, gatefold tout ce que tu veux, vinyl marbré et tout le brol pour une durée ridicule de 107 minutes. Et ce qu’on peut en dire n’a rien d’original – en même temps on ne va pas rééditer les disques de merde - le niveau de burinage est digne de la réputation du groupe : les batteries sont absurdes de technique, on vire la basse parce que ça ne sert à rien, le chant est au niveau du point de rupture pendant les trente-et-une minutes du disque principal, les textes sont crispants de haine et les interludes tirés de snuff movies sont toujours aussi gênants. On garde tout de même une mention spéciale pour ce qui fait le sel du groupe au-delà de sa sur-violence : le groove absolu des guitares qui trouve sa place un peu partout à chaque fois que c’est possible. Dans des titres qui dépassent rarement la minute trente, ça reste un exercice.
Les fans hardcore du groupe trouveront sans nul doute un plaisir certain à s’envoyer le même album dans sa version démo. Et si de notre côté on salue à tout le moins l’intérêt historique de ces enregistrements alternatifs, on est absolument ravis de redécouvrir ici « Natasha », morceau/EP effroyable dépassant la demi-heure qui nous rappelle que, quand il le veut, Pig Destroyer est aussi un très grand groupe de doom désespéré, « lent », construit et pas mal angoissant. Pour le coup, c’est un vrai cadeau. J’abandonne donc définitivement le projet Anal Putrid Babies là où il en est, c’est-à dire nulle part et je vais laisser les grands me montrer comment ça fonctionne vraiment. C’est évidemment un morceau d’histoire qu’on nous propose là.