ten days

Fred again..

Atlantic – 2024
par Jeff, le 9 septembre 2024
6

Avril 2022, le Botanique : 750 personnes. Décembre 2022, Ancienne Belgique : 2700 personnes. Septembre 2023, Palais 12 : 15.000 personnes. Aout 2024, Pukkelpop : 66.000 personnes.

Ces dernières années, bien aidées par les algorithmes de Spotify et TikTok, les ascensions fulgurantes n’ont pas manqué. Et celle de Fred again.. est à classer parmi les plus notables, d’autant plus que l’Anglais semble avoir une marge de progression immense. Sauf qu’à l’heure actuelle, celle-ci semble plutôt se situer au niveau du public que de sa musique, qui semble déjà figée sur ses acquis. Et c’est ce qui ne facilite pas la tâche de celui ou celle qui souhaite formuler un avis articulé sur ten days, le quatrième album du producteur qui parvient à réunir sur un dancefloor les fans d’EDM et d’indietronica, faire le trait d’union entre les musiques de Skrillex et Four Tet – ces deux-là sont évidemment de la partie, et cela s’entend tant dans le maximalisme si cher au premier sur « places to be » que dans les lignes mélodiques pures caractéristiques du second sur « glow ».

Même si Fred again.. renvoie l’image d’un artiste simple et au plus proche de sa communauté, sa vie en 2024 n’a rien à voir avec celle du jeune producteur qui, dans l’ombre et la discrétion la plus totale, contribuait à façonner des tubes pour Clean Bandit (« Solo ») ou George Ezra (« Shotgun »). Or, on sait que le succès change des vies, réorganise des priorités, et chamboule des convictions. Rien de tout cela chez Fred again.. : l’Anglais est resté fidèle à ses préceptes et principes, pour le meilleur et pour le pire. Cela veut donc dire que sur ce disque sans surprise, encore agencé à la façon d’un journal (plus très) intime, les moments clubs sont des bombes cathartiques qui soufflent tout sur leur passage (mention spéciale pour « just stand there »), tandis que les morceaux downtempo sont soit d’une banalité confondante (il y avait beaucoup mieux à faire avec la légende Emmylou Harris sur « where will i be ») soit d’une niaiserie abyssale (l’insupportable « i saw you »). Et on se gardera bien de dire quoi que ce soit sur les quelques interludes ambiant, indignes d’un artiste qui a passé les premières années de sa vie d’artiste dans un studio où il était au service du boss de fin de jeu, Brian Eno.

Bien évidemment, parce que Fred again.. a encore des parts de marché à aller dévorer, et parce que ce disque va bénéficier d’une caisse de résonance à la hauteur des attentes placées en lui par sa maison de disque, il est évident que tout un nouveau public va tomber sous le charme de ce jeune trentenaire à l’enthousiasme communicatif, dont l’énergie des fans et des collaborateurs semble être l’unique carburant ; un artiste dont l'émerveillement face à ce qui lui arrive depuis trois ans est tellement permanent qu’il en devient douteux. Ce dont on ne doute pas par contre, c’est de son immense talent ; on aimerait juste qu’il le mette au service d’une musique un peu plus maîtrisée et un peu moins immature. Fred again.. a 31 ans, on espère qu’il ne faudra pas attendre la crise de la quarantaine pour que ça arrive.