Teflon Don
Rick Ross
Les projets définitivement commerciaux sont clairement la pire hantise des b-boys de la terre entière. Le problème, c'est que rapper pour être bankable est une mode plus que répandue, à tel point que l'on voit de plus en plus de MCs se prendre pour des tirelires. Ce phénomène peut se produire dès l'entame d'une carrière, pour s'assurer une certaine notoriété en usant d'une image vendeuse ou en fin de parcours musical, lorsque les albums au casting lourd mais au contenu léger remplissent la discographie. Rick Ross fait partie de ces artistes qui ont flirté dangereusement avec le commercial sans jamais vraiment y poser fermement leurs valises, alors lorsque paraît Teflon Don, on espère de tout cœur que Ricky n'aura pas complètement cédé à la tentation.
Au premier contact, ce quatrième album du rappeur floridien est taillé pour la haute performance, avec des producteurs renommés (J.U.S.T.I.C.E League, Lex Luger, No I.D.) et des featurings prestigieux comme Jay-Z ou Jadakiss. Mais le Boss réussit aussi à nous surprendre en travaillant hors de ses sentiers battus (grosses berlines, poupées et biftons) en invitant sur son album des artistes à l'étiquette plus soul, comme Raphael Saadiq, John Legend ou Cee-Lo Green. Il en profite ainsi pour mettre un peu de côté l'aspect clinquant de son son et conférer à Teflon Don une essence plus affutée et soignée que d'habitude, comme l'illustre "Tears of Joy". L'âge peut-être? Mais le poids des années ne suffit pas à étouffer la fougue d'un emcee de sa trempe, toujours aussi performant et charismatique, comme le démontrent "Free Mason" ou "Maybach Music III".
En affirmant son statut de cador, Rick nous séduit mais nous intrigue également avec ces sonorités inhabituelles. Le début de l'album nous pousse donc à tendre l'oreille et à nous interroger sur la musique épurée que nous propose le rappeur, même si parler de virage est trop hatif, tant certains morceaux sont là pour nous renvoyer sur les plages de Floride, le cul posé sur une Chevrolet décapotable à griller son joint. On ne change pas un bonhomme comme Rick Ross en un album. A ce sujet, certaines chansons dégagent un fort parfum de billet vert et de gloss pour barbies ambrées - l'exubérant "Blow Money Fast" avec ce bon vieux Styles P vous le confirmera. Même si l'on y est habitué avec Rick Ross, ces tracks indigestes bourrées de clichés gangsta rap nous fatiguent et apportent une touche bling bling dont l'album n'avait pas spécialement besoin.
Léger mais bien travaillé, ce nouveau projet vous laisse en tête de chouettes mélodies, une voix imposante et quelques lyrics agréables. Bref, une recette classique mais efficace. Toutefois, "Rozay" relèvent le ton de l'album en nous proposant sur Teflon Don une palette un peu plus variée de genres, oscillant entre triturations rock, avions de chasses prêts à bombarder MTV et sursauts cuivrés. Cet opus se présente ainsi comme une galette très digeste, dont les sons se chargeront d'abreuver l'auto radio de votre Twingo 2002 dont la révision vous pèse lourd sur le compte en banque. Quatre ans après le reconnu Port Of Miami, Ross parvient à rester productif, sans pour autant forcer son talent. A tout vous dire, cette note reste, comme la corpulence du monsieur, généreuse.