Teenage Tapes
Delroy Edwards
« Ne nous mentons pas : la plupart du temps, ces fonds de tiroir ressemblent à de vieux morceaux de barbaque que l'on jette à des fans affamés prêts à ingurgiter n'importe quelle merde portant le sceau de l'artiste adulé».
C'est par ces quelques mots tirés de la chronique de The Boat Party Bonus de KMFH que nous mettions en exergue le problème des unreleased sortis comme des bonus. Dans le cas qui nous intéresse le crime est pire, car ces fragments ressuscités de l'adolescence et accolés à de nouveaux morceaux sont érigés en LP. On ne vous fera pas mystère de notre avis sur ce premier LP de Delroy Edwards. Un gros hors-sujet. Hors-sujet, car la carrière de l'Américain ne souffrait d'aucun accroc jusqu'ici. Son aura au sein de L.I.E.S. et la constitution de son label LA Club Ressource en faisait un des porte-étendards de la scène raw-house qui sévit dans les clubs en ce moment.
Mais aujourd'hui on en vient à se demander ce qui a pu passer par la tête du producteur originaire de Los Angeles. Peut-être un syndrome DJ Shadow, autrement dit le sentiment de pouvoir produire n'importe quelle genre de musique parce que l'on excelle dans un genre en particulier. Lourde erreur. Pour le cas de l'auteur de "4 club use only", on imagine que sortir un album de musique industrielle, noise ou post-punk pouvait avoir ceci de d'excitant que Ron Morelli, le patron de L.I.E.S., s'y était frotté - sans grand succès d'ailleurs.
Comme nous l'évoquions plus haut, le principe de Teenage Tapes a été de mélanger des morceaux réalisés pendant ses études d'art et des productions plus récentes. Le résultat est à la hauteur de l'esbroufe: un album sans âme, qui n'est rien d'autre que la vaine tentative de capitaliser sur un succès indiscutable dans les sphères house. Une belle attitude de merdeux qui confond expérimentation noise et vaine branlette bruitiste. De fait, l'ensemble est quasiment insultant: on flirt le plus souvent avec les élucubrations qu'un punk bourré à la 8-6 aurait pu faire cracher à sa boîte à rythme. La dénomination des morceaux en « Untittled » rend encore plus risible cette volonté de surfer sur une imagerie noise qui se voudrait cradingue et impulsive là où un Dominick Fernow nous démontre à chaque album que sauvagerie ne rime pas avec travail brouillon. Un détour par les morceaux "(A1)", "(A4)" et l'insupportable "(B1)" finiront de vous convaincre du caractère ordurier et amateur de cette plaque. Heureusement pour Delroy Edwards, les morceaux "(A3)" et "(B2)" évitent le naufrage complet de l'album avec des productions qui s'approchent plus de ce à quoi le bonhomme nous avait habitué.
Alors que reste-t-il dans ce Teenage Tapes ? Pas grand chose, si ce n'est beaucoup de prétention et peut-être le sentiment d'avoir été pris pour des pigeons. Il est évident que ces productions auraient dû rester là où elles étaient, c'est-à-dire à moisir au fond d'un vieux disque dur. Enterrez bien vite cet album et reportez vous sur les productions house du larron, qui reste une des valeurs sûres du moment.