Tarantula Heart
Melvins
Franchement, qu’attendre encore d’un nouvel album des Melvins en 2024 ? Depuis l’excellente collaboration avec les membres de Big Business (en particulier les impeccables (A) Senile Animal et Nude With Boots sortis respectivement en 2006 et 2008), le groupe s’était progressivement vautré dans une forme de boulimie consistant à sortir tout et n’importe quoi. Et surtout n’importe quoi. Conséquence : quand le label Ipecac annonce la parution d’un 27e album studio, bien difficile de nier un enthousiasme tout relatif.
Erreur fatale. À sa sortie, quelques commentaires sincèrement élogieux éveillent la curiosité. On annonce par ailleurs la présence de Roy Mayorga (Ministry) aux côtés du fidèle et légendaire Dale Crover à la batterie. Le guitariste Gary Chester de We Are The Asteroid est également venu prêter main forte. Alors on se lance…
Une première écoute révèle un disque d’une étonnante fraîcheur pour une bande de loustics dont les presque 40 années de carrière donneront bientôt droit à une pleine pension de retraite. Mais qu’offre donc ce fameux cœur de tarentule qui manquait tant à ses prédécesseurs ?
Tout d’abord, les Melvins y font preuve d’un travail d’écriture qui sort enfin des sentiers tout tracés. En ouverture de disque, le monumental « Pain Equals Funny » - qui dépasse les 19 minutes sur la balance – se promène enfin sur des terres jusqu’ici trop peu explorées. Le riff « slow punk rock » initial – un classique de la maison – s’égare progressivement pour s’encastrer à mi-chemin dans un break de batterie motorik totalement inattendu. D’autant que celui-ci se mue rapidement en vacarme lo-fi (Mais sur quoi diable tapent-ils ? Des barils de poudre à lessiver ?) sur lequel vient se greffer un tonitruant plan de guitare doom à écorner les buffles. Pour couronner le tout, la voix de Buzz Osbourne, nerveuse et précise, se rapproche des sommets de la période Houdini. La chanson part alors dans une tout autre direction avant de se diluer à nouveau dans un final bruitiste à souhait qui fait hurler les guitares.
La mise en bouche XXL se confirme sur les quatre autres morceaux de l’album. Sur « Working the Ditch », c’est une rythmique punitive à la Godflesh qui prend le relais pendant que Buzz assène « It was a dark time for us », comme pour justifier une longue période de créativité en berne. Suit « She’s Got Weird Arms », sorte d’interlude faussement légère soutenue par des leads de guitare déglingués. Parfait pour se remettre la tête à l’endroit avant le frénétique « Allergic to Food » et sa grosse baston noise/punk/space rock, agrémentée de solos de gratte extraterrestres. De quoi préparer le terrain avant « Smiler » dans le rôle du générique de fin subtil comme un semi-remorque de 9 tonnes auquel il manquerait une roue : le genre de morceau qui vous dévale dessus et se permet un demi-tour pour broyer vos derniers restes.
Soyons honnêtes : personne n’aurait parié un nic-nac sur un retour au premier plan des Melvins. Tarantula Heart remet pourtant une copie parfaite. La performance est d’autant plus remarquable pour l'un des rares rescapés de la scène grunge de Seattle, alors que ses principaux acteurs ont passé l’arme à gauche (Cobain, Cornell, Staley, Lanegan) pendant que certains survivants comme Mudhoney nous rappellent que malheureusement, l’âge rime parfois aussi avec naufrage.