TANGK
IDLES
La carrière d'IDLES ressemble de plus en plus à une tragédie grecque. Après l'ascension fulgurante causée par une paire de classiques punk (Brutalism et Joy as an Act of Resistance), le groupe a commencé à se complaire dans un renoncement au changement - l'ultra-monotone Ultra Mono. Après la pluie vint l'embellie : si le Crawler de 2021 n'était pas vraiment un retour au sommet, au moins fit-il coïncider sa DA introspective avec le talent du groupe pour produire des hits punk. Alors, TANGK est-il la concrétisation de ce retour, ou n'est-il que l'incarnation d'une cyclicité qui semble frapper toutes les forces créatrices qui veulent rattraper leurs dernières déclarations au lieu de repartir de zéro ?
TANGK commence comme à peu près tous les disques d'IDLES : sur une lente procession dont les tambours pulsés font monter une tension qui s'accompagne ici de magnifiques boucles de piano qui témoignent de l'impeccable travail fourni par le guitariste Mark Bowen, le producteur hip hop Kenny Beats (qui avait déjà travaillé sur les deux précédents albums) et Nigel Godrich, collaborateur de longue date de Radiohead - ce qui saute aux oreilles tant ce "IDEA 101" semble tiré du catalogue In Rainbows / King of Limbs. Mais après, tout se complique.
"IDEA 101" nous dit tout de TANGK: c'est un album habité par une colère qui n'explose jamais, une tension qui n'est jamais libérée. C'est fort dommage, car IDLES est un groupe dont l'excellence se manifeste par l'explosivité avec laquelle la tension s'évacue. Leur classique "Colossus", qui ouvre la plupart de leurs concerts, est l'exemple parfait d'une telle approche, avec sa seconde partie qui brise tous les murs que la première a soigneusement construits. Sauf qu'ici, rarement les crescendos donnent lieu à de véritables explosions. De même, les paroles sont souvent empreintes d'une sérénité que seul l'amour profond peut apporter - et Joe Talbot en est plein sur TANGK. Sauf qu'en l'absence de mélodies marquantes, un titre comme "A Gospel" est juste un joli poème qu'une musicalité molle rend très ennuyeux.
Beaucoup de choses ne vont pas sur TANGK mais tout n'est pas à jeter non plus. Ainsi, "Roy" voit le groupe s'essayer une nouvelle fois avec brio à l'exercice pourtant casse-gueule de la chanson pop, pour un résultat qui se hisse au niveau de "The Beachland Ballroom", présent sur Crawler. En réalité, c'est lorsque le groupe choisit d'abandonner le sentimentalisme qu'il parvient à livrer des chansons à la hauteur de sa réputation : on a déjà cité "Gift Horse" et "Gratitude", et on ajoutera à cette liste le dance-punk "Dancer", featuring LCD Soundystem : tous ces titres magnifient cet esprit de communion qui a propulsé IDLES tout en haut des affiches. Le véritable problème est que nous avons déjà entendu cette itération d'IDLES, et souvent en mieux. Pire : cela prouve que TANGK échoue finalement là où il est censé innover. IDLES voulaient probablement que TANGK soit leur AM. Pas de bol pour nous, ils ont accouché de leur The Car.