Tadaloora
Phantom Buffalo
On avait déjà senti en Phantom Buffalo cette profonde unicité, cette sensibilité qui n’appartenait qu’à eux et qui les éloignait tant de la masse des groupes de pop. Cement Postcard With Owl Colors, leur troisième et précédent album, délimitait déjà un ailleurs musical, caractérisé par des sons très amples, une voix on ne peut plus lyrique et cristalline, une production ambitieuse et un univers singulier.
Pour ce nouveau projet, pensé avec le très beau label Microcultures, Phantom Buffalo nous fait découvrir Tadaloora. Plus qu’un disque, c’est une terre, une île, un autre monde. Et le crowdfunding participatif que pratique Microcultures, concept un peu hippie, va parfaitement bien à ces musiciens qui, dans chaque note, se laissent aller à une véritable générosité et à une communion. Ce disque ne pouvait que se faire porter par un public. On imagine Tadaloora, cette île que les Phantom Buffalo nous racontent, devenir la Terre du Milieu des fans d’Indie Pop, le symbole d’un voyage musical et d’un pélerinage dans 50 ans d’histoire folk, qui ravive le mythe du conteur-chanteur.
Les albums-concepts ne datent pas d’hier mais ils ont tendance à manquer à l’appel. Tadaloora est à la fois une bouffée d’air frais et un nécessaire retour en arrière. Le disque s’ouvre sur cette fausse candeur qui définit si bien le groupe, une pop cotonneuse et confortable. Sauf que le chemin de Tadaloora est semé de tempêtes et de revirements s’accompagnant de riffs martelés (“Frost Throat”) et de boucles psychédéliques entêtantes (“Old Man”). En utilisant l’écrin du concept-album, l’ambition de Phantom Buffalo se radicalise, s’amplifie. Les arrangements de cordes et de cuivres ponctuent (“Bloom Bloom Flowers”), toujours opportuns. Avec ci et là ces puissants tubes catchy dont ils ont le secret (“Stark Glass Man”). Leur but avec ce projet ? Créer ce parfait album-monde, qui ne se limite ni à un lieu, ni à un style, ni à une envie, mais qui embrasse toute une histoire. Et qui ne se résume d’ailleurs pas non plus à un support. Tadaloora se décline dans un univers graphique pensé par le groupe et plus particulièrement par son chanteur Jonny Balzano-Brookes. Jusqu'à devenir un jeu vidéo.
Le quatrième disque de Phantom Buffalo n’est donc pas le mapping d’un monde existant dans un espace-temps imaginaire, mais bien une cartographie musicale, qui passe des chemins tortueux de la pop au rock, en passant par la folk et le garage et en revisitant des ambiances. Une histoire qui se dessine au fil de l’album, parfaitement ficelée, et qui travaille une matière musicale sans défauts. Tadaloora est avant tout une réflexion sur la forme et sur l’avenir du support musical. Nécessaire.