Synthetic Love
Le Prince Harry
C'est toujours un plaisir immense de voir un groupe qu'on ne pensait pas spécialement promis à de grandes choses déjouer les pronostics et nous renvoyer à notre condescendance de petit chroniqueur de merde en une petite quarantaine de minutes. Car si j'ai toujours eu de la sympathie pour les Liégeois du Prince Harry, je n'ai jamais pensé qu'ils rayonneraient véritablement au-delà des frontières de la Tox City, et que leur aura un peu cracra dépasserait les murs de l'illustre Zone.
Et puis Synthetic Love est arrivé, et j'ai vraiment eu l'air malin avec mon arrogance de scribouillard et mes certitudes à la con de mec qui se la pète (un peu trop). Mais commençons par dresser le tableau des choses qui n’ont pas changé : il y a les artworks d'Elzo Durt, toujours marqués du sceau de la badasserie polychrome la plus totale. Il y a également le style adopté par le groupe, qui donne toujours dans le garage punk synthétique plus tonique qu’un shot de mescal sous 40° à l’ombre. Il y a enfin l’amitié franco-belge scellée entre les Carolos de Rockerill Records et les Parisiens de Teenage Menopause RDS (JC Satàn, Jessica93, Catholic Spray) qui tient plus que jamais, et fait véritablement honneur au talent du petit prince du canal Albert. Au final, deux évolutions notables sont à retenir sur ce second long format : d'abord le trio est devenu duo (exit le batteur), et surtout l'évolution du songwriting. C’est peut-être un détail pour vous mais pour 100 % des gens qui écoutent de la musique intelligemment, ça veut dire beaucoup. Car si les musiques qui carburent à l’énergie brute sont souvent capables de faire illusion un peu plus longtemps qu’au mauvais titre de folk neurasthénique, une écriture défaillante fait vite rentrer les apprentis imposteurs dans le rang. Et dans le cas de Synthetic Love, pas de soucis à se faire : à l’image du potentiomètre de ta stéréo qui va se faire plaisir, tous les indicateurs sont au vert.
Dans cette optique, c’est le mode « double effet Kiss Cool » qui s’active : on se prend d’abord une vraie grosse mandale à l’écoute d’un disque qui ne laisse pas le moindre temps mort; et à peine a-t-on le temps de reprendre son souffle que d’abord on en redemande mais qu’ensuite on peut surtout se prendre en pleine tronche l’efficacité de l’écriture des deux Liégeois, qui accouchent ici de vraies tubes en adamantium forgé, à l’image du no-wavey « Chemistry » (déjà entendu sur le split avec Duchess Says sorti en 2015, et re-enregistré sur l'album), l’industrieuse plage-titre ou un « We Are The Public » qui donne l’impression que le duo a traîné Crystal Castles dans la boue d'un zoning industriel abandonné. Le petit prince Harry est devenu grand, et il a des paluches de la taille d’une raquette de ping pong. Y’a des jaloux qui vont maigrir et des joues qui vont rougir.