Swarming Angels & Flies

Sarcator

Century Media – 2025
par Simon, le 24 février 2025
8

Entre mes treize et mes dix-neuf ans, mon activité consistait essentiellement à enchainer mes premières taules alcoolisées, à écouter de la musique au casque de manière obsessionnelle et faire croire à mes parents que j’étudiais. Je me branlais beaucoup je pense, et je jouais comme un forcené à Warhammer aussi. Ce qui est sûr, c’est que je n'avais pas un groupe de metal prometteur, que je n’avais signé aucun contrat de taille (à part comme vendeur au Point Chaud près de chez mes parents) et que je n’avais pas la moitié de la coolitude de Mateo Tervonen à son âge : création de son groupe de thrash à treize ans, premier album à quatorze, deuxième à seize et signature sur un des plus gros labels du genre à dix-neuf pour son troisième. À ce stade, ce n’est plus de la précocité, c’est l’académie des Jedi. Certains nous diront qu’avec Marko Tervonen comme daron ça n’aurait pas pu filer autrement, lui qui a facturé douze albums à Metal Blade Records en vingt-cinq ans avec The Crown et qui chapeaute aujourd’hui tout le travail en studio de son fils. Moi, le mien, à cette époque il essayait de me donner goût à la pêche à la mouche, autre délire.

Certains nous diront, et ils auront raison, que la précocité ne veut pas dire grand-chose (jurisprudence Jordy) et que l'essentiel reste de sortir des grands albums à la fin. Mais si les deux premiers albums de Sarcator – combinaison simple de Sarcófago et de Kreator, ça situe les goûts musicaux à une époque où ton truc à toi c’était d’essayer de manger tes Chocapic proprement – annonçaient le meilleur sans paraître encore définitifs, ici c’est une toute autre mayonnaise. Swarming Angels & Flies parait donc sur la grosse machine Century Media et, au-delà d’être un exploit pour le côté chasse aux records, se permet de coucher toute la concurrence en ce début d’année. Ça ne leur plaira probablement pas mais on vous introduira ce troisième album comme une bombe de thrash metal. Tout y est, des gimmicks groovy joués à mach-5 aux soli débilitants de lumière. On se permettra d'ajouter que Sarcator, c’est une très grosse dose de black et de death metal pour un résultat qui défie toutes les catégories en plus de te mettre la grosse leçon qui va bien.

Ce qui fait le sel de Swarming Angels & Flies c’est son urgence absolue. Les Suédois n’ont clairement pas le temps, il y a une carrière à mener et ce troisième album n’est qu’une étape sensée démontrer tout leur talent. Tout est joué avec une hargne impossible : c’est trop rapide, trop technique – eux-mêmes parlent de leurs sessions studio comme quelque chose de douloureux tant ils poussent leur jeu au-delà de ce qui est envisageable – et trop énergique. Quarante-cinq minutes d’un album qui volent comme quinze d’un simple EP, qui nous présentent un groupe hors-normes, capables de produire un hybride total (dont ils ne veulent même pas évoquer le genre musical) avec la maturité de vétérans de guerre. On peut retourner Swarming Angels & Flies dans le sens qu'on veut, tout ici tape avec une justesse qui fait assez peur. Ce n’est pas Kids Got Talent ici, mais il y a un tel X factor chez ces gamins qu’on ne peut rien voir d’autre qu’une légende se construire sous nos yeux. C’est beau et c’est surtout assez rare.

Le goût des autres :