Survival & Resistance

Adrian Sherwood

Beat Records – 2012
par Aurélien, le 7 novembre 2012
6

Le truc avec Adrian Sherwood, c'est que la seule vue de son hallucinant parcours suffit à nous dissuader de faire usage de familiarités. Car on aura sans doute pas assez d'une vie pour passer en revue tout ce sur quoi le tenancier d'On-U Sound, l'une des plus grosses industries dub encore en état de marche, a apposé sa midas touch en près de trente ans d'existence. D'ailleurs, la page Discogs du label parle d'elle-même. Tout le contraire d'une carrière solo paradoxalement rachitique alignant péniblement trois galettes, dont le remarquable (et remarqué) Never Trust A Hippy il y a dix ans, un disque qui résonne encore aujourd'hui comme le monolithe ethno-dub hypnotisant par excellence. Mais si NTAH demeure à bien des égards une oeuvre intemporelle, son géniteur peine quant à lui à ne pas subir les affres du temps : Survival & Resistance arrive ainsi au moment où l'Anglais approche une soixantaine bien méritée. Et à l'écoute de cette nouvelle plaque, difficile malheureusement de ne pas le ressentir.

Outre le fait que Survival & Resistance soit le témoignage modeste d'un musicien qui composé dans pléthore de genres aussi diversifiés que l'indus, la soul ou le reggae, cette nouvelle plaque résonne surtout comme un hommage plutôt touchant à tout ce que Bristol a amené au genre dub. Ainsi, des premiers balbutiements de Massive Attack jusqu'aux intrusions du spoken-word des standards de l'électro-dub, il résonne dans cet ensemble fluide et tenu un intéressant compromis entre le traditionnel et le moderne, à tel point qu'on se surprend à penser que des pistes comme "A Semitone & A Raver" ou "Effective" n'auraient pas dénoté sur les récentes livraisons de Jack Sparrow ou Mala - une façon comme une autre de démontrer que le dubstep est loin d'être un palpable conflit de générations.

Oeuvre fleuve qui n'a de rebelle que son trompeur intitulé, il nous semble néanmoins difficile de ne pas somnoler face à cette mer d'huile désespérément downtempo, et pour cause : si Survival & Resistance est un disque dense et protéiforme, il fait malheureusement figure de force un peu trop tranquille qui mise maladroitement sur son travail d'ambiances pour nous tenir en haleine. Tout cela du haut d'une galette qui ne comprend qu'une dizaine de titres, dont une ultime ligne droite qui confine à une stérilité dérangeante. Rien de bien folichon donc pour boucler un album déjà pas franchement généreux en coups de sang, et qu'on aurait souhaité plus incendiaire qu'une manifestation d'étudiants de Paris-Dauphine.