Suncity
Khalid
Nous sommes au printemps 2016, quelque part dans les faubourgs d’El Paso, où le soleil brille toute l’année. Et les lycéens de la Sun City n’ont qu’une chose en tête : le bal de fin d’année, au cours duquel seront désignés un roi et une reine. Alors qu’il vient à peine d’intégrer le lycée du coin à la suite d'un nième déménagement, l’inconnu Khalid Robinson décroche la timbale au nez et à la barbe de ses rivaux. Il faut dire que le jeune crooner avait bien préparé son coup : peu de temps avant le jour J, il avait balancé sur la toile des chansons qui ont rapidement affolé ses coreligionnaires. Bien qu'il était déjà en discussion avec des labels, ses nouveaux camarades de classe avaient bien senti que ce beau gosse au timbre de voix angélique casseraient vite la baraque - la véritable consécration interviendra quelques semaines plus tard lorsque Kylie Jenner partagera « Location » sur son compte Instagram.
Certes, le début de carrière du jeune homme est digne d’un mauvais teen movie, mais il a au moins le mérite de faire comprendre le titre d'un premier album qui s’écoulera à plus de 1,2 millions d’exemplaires: American Teen a fait souffler un vent de fraicheur sur la pop mainstream américaine, pourtant réputée pour être cadenassée par quelques monstres sacrés. Après une nomination aux Grammys et une tournée en compagnie de la classieuse Lorde, c’est désormais l’heure de la confirmation pour le surdoué d'à peine 20 ans. Et quoi de mieux pour prendre la température qu'un EP, nouveau format en vogue dans le rap et le R&B américains.
Sur Suncity, on retrouve donc cette pop matinée de R&B ténébreux (mais pas trop), à l'image des singles « Better » et « Saturday Nights » qui n’auront aucun mal à trouver leur place au sommet des playlists les plus populaires de Spotify. Malheureusement, Khalid ne semble jamais réellement forcer son talent et se contente de nous livrer sept pistes qui ressemblent plus à des faces B d'American Teen qu'à un projet à part entière. En fait, l’EP ne trouve jamais son point de chute et la matière première est trop fade pour déclencher un quelconque pic d’excitation chez l’auditeur - l’exemple parfait de ce qu'on raconte est le mollasson « Suncity ».
Attention, on est très loin de tirer la sonnette d’alarme – le changement d’ambiance sur « Motion » prouve bien l’incroyable musicalité du bonhomme –, c’est juste que l’ensemble n’est pas aussi galvanisant qu’espéré. Il est surtout regrettable que le jeune prodige n'ait pas profité de ce format condensé pour expérimenter, se mettre en danger, parce qu'on s'emmerde vite sur cet EP insipide, qui marque un réel point de stagnation dans la discographie d'un Khalid qui devra littéralement changer de disque s’il ambitionne de décrocher des titres plus prestigieux que celui de roi du bal.