Suffer As One

Living Gate

Relapse Records – 2024
par Simon, le 13 novembre 2024
7

Phyrexia est un plan artificiel de vie mécanique et biomécanique, un écosystème composé de métal, de mort et de chair. Un monde infernal avec une évolution accélérée de créatures-artefacts incroyablement avancées, faites de plaques d’ichor séché, de membres-armes, de sens surdéveloppés et de chairs à vif. Il est également connu comme l'Enfer de la Machine et les Neuf Enfers.

Si on arrêtera ici avec la description d’un des mondes les plus iconiques de l’historique de Magic The Gathering, le parallèle avec le premier véritable album de Living Gate demeure malgré tout indélébile. Suffer As One est un disque véritablement phyrexian dans sa capacité à identifier sa cible, puis à se ruer dessus pour tuer méthodiquement. Avant de passer à la suivante.

Monté comme un side project en forme de supergroupe, Living Gate voit des membres de la Death Star belge (Amenra, Wiegedood, Oathbreaker) se joindre au bassiste de YOB pour défricher aujourd’hui des terres nouvellement death metal. Il était donc évident que Suffer As One serait incroyablement technique et intellectualisé dans sa brutalité, quitte à perdre son auditeur en chemin le temps des premières écoutes. La branlée première est totale, incompréhension comprise : les séquences sont enchainées avec rapidité, violence et sauvagerie. Le tout est coupant de partout, absolument compliqué dans ses structures et pas toujours évident à mettre en forme au démarrage. Pourtant, et c’est probablement la plus grosse force de ce Living Gate, le tout a un potentiel de rejouabilité qui semble infini. Une fois tombés dans l’oreille, les onze titres de Suffer As One vont commencer à s’affiner dans la douleur, la dissonance du tout finira par devenir une machine de guerre totale, lisible et finalement assez jouissive.

Deux gros blocs de titres séparés par un « Massive Depletion in Eb Minor » en forme de courte respiration. Parfois difficile à digérer au départ, « To Cut Off The Head of The Snake » devient rapidement le banger incroyable qu’il est, le solo de « One and Zeroes » est tellement ridiculement puissant que son arrivée finit toujours par me mettre un rictus à la bouche, les attaques vocales de « Death And Consume », « A Unified Soul », « Suffer As One » ou « Hunting Maggots » tombent comme une clé de voûte parfaite sur des monstres de parties instrumentales. Tout se déplace avec une méthode froide, on regarde à gauche et cela surgit de la droite sans que rien ne semble pouvoir arrêter la moissonneuse en mouvement. Suffer As One possède un cœur mécanique, une volonté mise en mouvement sans référence aux codes moraux, un esprit de la machine évident qui accomplit son devoir dans une logique d’intérêt glacial, au service d’un grand tout.

En réalité, je me fous assez de savoir si Living Gate sonne par moment comme telle époque de Suffocation, telle autre de Demilich ou de Pyrrhon, si son obsession pour le death old-school est à contrebalancer par son inspiration absolument technique (en évitant de lorgner du côté d’un techdeath). Suffer As One est un grand disque de death metal dissonant qui plaira aux amateurs de mondes infernaux, de constructions en apparence compliquées et, il faut bien le dire, de gros parpaings bien froids dans la gueule. Un disque incroyablement écrit et produit, rempli jusqu’à la gueule de substance death, de raids meurtriers, de tentatives cachées d’assassinat. Un disque méchant et organisé qui sonne comme une des plus grosses réussites de cette année encore en cours.

All Will Be One.

Le goût des autres :