Subversive III: De Spelende Mens

RMFTM

Fuzz Club Records – 2017
par Albin, le 14 décembre 2017
7

Pour boucler sa trilogie Subversive entamée en 2015, Radar Men From The Moon (qu’il faut donc désormais appeler RMFTM) a pris l’option du virage à 180°. Il n’est ici pas question d’une courbe sortante opérée selon les principes les plus élémentaires de la conduite défensive, mais bien de la méthode radicale, façon dérapages au frein à main en Seat Ibiza sur le parking du Lidl. Le titre annonce d’ailleurs la couleur : on sent que la bande s’est bien amusée, libérée de toute contrainte.

Exit donc le kraut rock bon enfant des sorties précédentes, qui s’écoutait en tapant du pied. Avec ce troisième tome, les quatre Néerlandais rangent leurs instruments et piquent du nez sur leurs machines pour plus de 70 minutes d’immersion dans un mix de techno down tempo, de noise minimale, d’ambient expérimentale et de drone indus. Au menu: des synthés qui cavalent en roue libre, des beats qui déboulent à cloche-pied et des murmures qui s’étouffent sous un enchevêtrement d’effets. Il faudra dès lors patienter plus de 17 minutes avant que ne débarque « Beeldenwereld », troisième plage de l’album et première invitation à esquisser le pas de danse.

Avant cela ? Un travail d’orfèvre de décomposition des sons et de superposition d’ambiances sales, sombres et inquiétantes. Après cela ? Pareil… jusqu’à la septième piste, la bien nommée « Spectacle Prey », qui joue sur un thème qui colle bien aux oreilles, sans jamais s’en écarter. Le final de 19 minutes, baptisé « Black Canvas Dark Majesty », remet la guitare à l’avant-plan, mais pas n’importe quelle guitare : une gratte qui sonne comme un camion rempli de fûts métalliques vides qui irait s’encastrer dans une fabrique de pianos. Amateur de douces mélodies, passe ton chemin.

Ne nous y trompons pas : aussi réjouissantes soient-elles, « Beeldenwereld » et « Spectacle » font bel et bien figure d’exceptions, de respirations bienvenues au milieu d’un exercice obsessionnel de destruction et de chaos. Les habitués de RMFTM pourront difficilement s’épargner l’analogie avec Infinity Machines, le triple album impénétrable des cousins mancuniens de Gnod. Gnod qui avait justement collaboré avec RMFTM au printemps dernier le temps d’un album sous le nom de Temple ov BBV, qui ne brillait déjà pas par son accessibilité. Les chiens ne font pas des chats.

Passée la surprise des 20 premières écoutes, on reste décontenancé face à une œuvre colossale mais inclassable, sans aucune clé pour la déchiffrer, sans même une porte d’entrée à pousser. On pourra toujours au mieux tenter de l’escalader, mais par quel versant ? Arriver au sommet doit procurer une sensation équivalente à celle des cyclistes qui grimpent le Ventoux et terminent sur les rotules, à bout de souffle : ça fait un mal de chien, on ne sait pas trop pourquoi on s’est infligé un tel calvaire mais on retrouve le sourire au moment de promettre qu’on remettra le couvert dès que l’occasion se présentera. Bref: un disque qui fait du bien si tu aimes te faire du mal.