Strangers from the far east
Khana Bierbood
Quand se fait ressentir l’envie d’écouter autre chose que les 10 mêmes disques du moment ou de sortir un tant soit peu de sa sempiternelle zone de confort, il y a plusieurs moyen d’aller se fournir en came fraîche : on peut s’en remettre à l’algorithme d’une plateforme de streaming, un label qui nous a toujours inspiré confiance, un papier bien torché ou les recommandations d’un pote. Puis il y a les artworks d’Elzo Durt. Par le passé, le génial graphiste bruxellois a multiplié les collaborations avec des projets qui avaient pour seul dénominateur commun de le faire kiffer et, ces dernières années, il a mis ses talents (et donc ses improbables collages) au service des Oh Sees ou de La Femme, et plus globalement de tout ce qui gravite autour de Born Bad ou Teenage Menopause - label qu'il gère et qui héberge des joyeux drilles de la trempe de Jessica93 ou JC Satàn. Cette fois, c’est à la demande de Guruguru Brain qu’Elzo a activé les zones les plus droguées de son cerveau pour un résultat comme d’habitude impeccable. Encore fallait-il que le contenu soit à la hauteur du contenant. Mais pas de souci à se faire de ce côté-là. D’abord, le label qui opère entre Amsterdam et Tokyo est à la hauteur de la mission qu’il s’est fixée : orienter les projecteurs sur le meilleur de l’underground asiatique. Et c’est du côté de la Thaïlande qu’il est allé chercher les gars de Khana Bierbood, dont le premier album est produit par Go Kurosawa de Kikagaku Moyo. Ceux qui gravitent dans ces sphères psyché savent que l’évocation de ce seul nom est déjà bon signe. Mais tandis que Kikagaku Moyo donne plutôt dans le folk, les gars de Khana Bierbood ont juré fidélité au rock garage, dont l’ADN californien se voit exporté sur les plages idylliques de Bang Saen, où le groupe dit être né. D’ailleurs, à l’écoute des 7 titres de cet album très (et un peu trop) court, on se dit que c’est là que le studio a dû être installé : son cracra, matos d'époque et effets en pagaille ont pour unique but de nous faire croire que ce disque est une réédition et que le groupe a fait les quatre cents coups avec les Troggs ou les Sonics. Mais les gars de Khana Bierbood ayant pris le parti de chanter dans leur langue maternelle, on a quand même droit à cette petite dose d'exotisme qui, soyons honnêtes, est l'un des arguments pour nous pousser à donner sa chance à ce disque. Parce que pour le reste, pour une bande de types qui se présentent comme des "étrangers de l'Extrême Orient", la manière dont ils intègrent les codes d'une musique essentiellement occidentale fait surtout d'eux des cousins pas bien éloignés des Black Lips ou de King Khan. Heureusement, il y a vraiment pire comme filiation...