Strange Moosic
Herman Dune
Un jour, Herman Düne a perdu son tréma et André Herman Düne. Et les choses n'ont plus jamais été les mêmes pour ce qui était alors un groupe rigoureusement indispensable, grand habitué des désormais légendaires Peel Sessions. Tandis qu'André le résistant a continué une carrière faite de CD-R et de concerts intimistes, Ya-Ya et Néman ont quant à eux tourné le dos à cet anti-folk sincère et bouleversant qui avait établi leur réputation pour virer pop sans aucune autre forme de procès. En soit, la décision n'a rien de condamnable, sauf qu'à mesure que le succès du groupe a enflé, la qualité de ses productions a sérieusement décliné, touchant carrément le fond sur le soporifique Next Year In Zion. Aujourd'hui, alors que débarque ce dixième album en presqu'autant d'années, on a le sentiment désagréable que le duo privilégie la forme au fond. Mais alléluia chers lecteurs: avec un disque comme Strange Moosic, on est prêts à leur pardonner leur look de hipsters tirés à quatre épingles. Car oui, Herman Dune est de retour, et mériterait presque qu'on lui rende ce foutu tréma.
Presque, parce que si on n'en est pas revenus au DIY féroce qui pouvait régner sur Switzerland Heritage, Mas Cambios ou Not On Top (leur dernier bon album, datant de 2005 quand même), on retrouve ici un duo qui renoue avec le meilleur de ses influences américaines, Bob Dylan et Jonathan Richman en tête. On ne s'étonne donc pas d'avoir vu Ya-Ya et Néman s'envoler pour Portland pour y enregistrer Strange Moosic en compagnie d'Adam Selzer, où ils ont été également épaulés par Ben Pleng (ex-Cyann and Ben) et Jack Lewis (frère du camarade Jeffrey). Cette association de gens biens, combinée à l'écriture finalement très pop de Ya-Ya, se traduit par un enchaînement plutôt irrésistible de chansons légères dont l'ambition première semble justement de ne pas en avoir: ça se sifflote, ça se chantonne, ça vous rentre rapidos dans la crâne et ça n'a pas son pareil pour vous foutre une banane pas possible, même quand Strange Moosic offre un côté plus mélancolique ou se pare d'apparats complètement countrysants. Et forcément, le côté "Copains d'avant" de l'objet va faire plaisir aux hordes de déçus qui n'avaient jamais pardonné au duo leurs insipides écarts de conduite de ces dernières années.
Certes plus ambitieux que les indémodables classiques du groupe, Strange Moosic sonne finalement comme une évolution logique de la carrière du groupe et s'impose comme l'album qui aurait dû succéder à Not Ton Top. Malheureusement, il a fallu dans l'intervalle s'enquiller un disque moyen et un autre carrément insupportable. Clairement, on a perdu six années. Et Strange Moosic est une bien belle manière de commencer à rattraper le temps perdu. Welcome back, dudes.