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Keren Ann
Après le très beau Nolita, paru en 2004 et souvent encensé par la critique, la délicieuse Keren Ann fait aujourd’hui son retour avec cette délicatesse et cette tranquillité qui la caractérise depuis ses débuts. On savait la demoiselle adepte d’un certain dépouillement, que ce soit en solo ou en duo avec Bardi Johannsson. Mais après avoir produit elle-même ses deux premiers albums, l’artiste tiraillée entre Paris, New York et Israël semble avoir aujourd’hui décidé de mesurer toute l’étendue de son talent en s’immergeant dans un univers nettement plus étoffé.
Evidemment, on ne parlera pas d’une prise de risques énorme dans le chef de Keren Ann tant son folk, champêtre et aérien, continue de respirer le classicisme et de renvoyer à d’illustres modèles facilement identifiables (Beth Orton, Joni Mitchell, Lisa Germano). Toutefois, en conférant à la plupart des neuf titres de ce nouvel album le genre d’apparats qu’on était en droit d’attendre après deux albums placés sous le signe de la simplicité, Keren Ann Zeidel franchit un pallier important et ouvre les portes d’un univers qu’elle donne rapidement l’impression de connaître dans ses moindres recoins.
Si l’on retrouve sur cet album éponyme cette voix fragile et diaphane qui a fait la renommé de Keren Ann, elle est aujourd’hui entourée d’un léger halo brumeux qui prend la forme d’arrangements aussi épars que judicieusement placés et qui ne font que renforcer cette impression de plénitude qu’a toujours su déclencher Keren Ann chez son public. Avec des titres aussi aboutis que « Lay Your Head Down » ou « In Your Back », Keren Ann réveille pour notre plus grand bonheur des fantômes qui portent le nom de Mazzy Star ou The Velvet Underground et s’affranchit une bonne fois pour toutes de cette étiquette périmée de « nouvelle chanson française » pour rejoindre les terrains de jeux fréquentés par Cat Power ou Shannon Wright.
Exception faite d’un « It Ain’t No Crime » trempé dans le blues et en léger décalage avec le reste du disque, c’est une Keren Ann à nouveau touchée par la grâce qui s’offre à nous. Véritable voyage en apesanteur au cours duquel le temps semble perdre toute emprise, ce quatrième album de la donzelle est une réussite. Une de plus…