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Franz Ferdinand
En ce début d’année 2004, le groupe hype du moment, celui dont tout le monde parle, qui fait la une de tous les magazines indie de Grande-Bretagne, c’est cette formation à l'esthétisme très ex-Allemagne de l'Est et du nom, totalement crétin, de l’archiduc assassiné à Sarajevo en 1914, dont la mort a précipité la Terre entière vers la première guerre mondiale. François-Ferdinand. Ou Franz Ferdinand en version originale.
Composé de trois Ecossais et d’un Allemand, le groupe n’a pas fait grand-chose pour attirer les lumières des médias. Signés sur un petit label (de qualité, certes), ce ne sont même pas des stars sur le retour, ni les enfants de tel chanteur oublié. Ils viennent juste de sortir un brûlot, le genre de disque que la moitié du monde déteste tandis que l’autre adore. L’idéal, évidemment, serait de faire fi de tout ce buzz et de se consacrer à ce que l’on sait faire de mieux : écouter.
Effectivement, la première écoute suffit à se forger son avis. Manifestement, ces quatre gugusses ont ingurgité beaucoup de disques, essentiellement de groupes des années 70-80, mais aussi de formations plus récentes. Les influences sont à peu près évidentes : un peu de Joy Division, Gang of Four, voire Frankie goes to Hollywood selon certains (!), et beaucoup de The Strokes, Radio 4, Interpol, voire The Rapture sur certains morceaux. Le mélange est absolument détonnant, du genre rock qui plaît aux garçons, mais suffisamment rythmé et entraînant pour aussi plaire aux filles, notamment grâce à une rythmique disco qui témoigne des énormes qualités du batteur.
La recette fonctionne admirablement bien sur de très nombreux morceaux, totalement hypnotiques, qui surprennent l’auditeur pourtant bien calé dans son fauteuil à bouger, d’abord les doigts, puis les pieds, et le corps dans la foulée. Ca marche drôlement bien. Ecoutez juste le single pour vous faire une idée : la sublime "Take me out", avec son changement de rythme dès la première minute, ce riff de guitare fantastique, ce refrain tellement simple qu’il peut être repris par n’importe qui, et cette mélodie, peut-être la plus accrocheuse de ces dix dernières années ! En bref, l’un des rares morceaux à mettre n’importe quel ronchon de bonne humeur sur le chemin du boulot !
Globalement, on se doit de souligner la qualité de la production. Un gros travail a notamment été porté sur les changements de rythme. Comme en témoigne le titre d’ouverture, "Jacqueline", qui commence très pop folk froide pour se terminer dans un feu bouillant, une seule chanson peut donc présenter deux ou trois sections différentes, de la même manière que certains titres sur les premiers albums de Queen. Jouissif. "Auf Achse", "The Dark of the Matinée", "This Fire", "Darts of Pleasure" (et son final en allemand !), la très stroksienne "Cheating on You", autant de monstrueux hits potentiels, destinés autant aux chambres et aux salons qu’aux pistes de danse, à l’image du Fire d’Electric Six l’an dernier. Cet effort de production, qui a également porté sur les voix et les chœurs, est d’autant plus flagrant que les apparitions live du groupe n’ont franchement pas marqué l’audience, le groupe peinant malheureusement à reproduire sur scène la magie de ce premier album.
Evidemment, la recette peut faire fuir immédiatement, autant qu’elle peut lasser à très forte dose. Difficile de dire si le disque est apte à tourner des mois sur la platine sans gaver trop rapidement l’auditeur. Néanmoins, chaque morceau étant profondément différent, inventif, entraînant, voire franchement brillant pour trois ou quatre d'entre eux, nul doute que ce premier album est destiné à devenir un classique à plus ou moins long terme. Et puis, compte tenu de cette fameuse hype, vous serez obligés de l’écouter sous peine de passer pour un béotien dans les soirées de l’archiduc.