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Eugene McGuinness
Au supermarché de la pop britannique, où l'on trouve, comme chacun sait, à boire et à manger plus que de raison, le rayon "petit génie insolent" était, pour sa part, désespérément dépeuplé depuis quelques années. Aux côtés d'un Neil Hannon encore relativement vert et d'un Ed Harcourt en voie de dessèchement, malgré son plongeon dans une piscine accompagné de son piano, on peinait à rencontrer un nouveau produit vraiment emballant et étourdissant comme avaient pu l'être The Divine Comedy dans les années 1990 ou, plus récemment, Badly Drawn Boy au tout début des années 2000.
Heureusement est arrivé, voici quelques mois, un gamin de 22 ans à peine (né en 1986 !) dont le talent explose littéralement à la face de tout auditeur normalement constitué avec son premier album ébouriffant de maîtrise et de maturité. Eugene McGuinness, puisque tel est son nom, nous vient de Liverpool et a été signé sur Domino, le label qui a découvert, notamment, excusez du peu, Franz Ferdinand, The Last Shadow Puppets ou encore The Kills. Gage de qualité ? Comme toujours, même si l'on n'est jamais à l'abri d'une mauvaise surprise et qu'il faut toujours se méfier avant de glisser un disque dans sa platine.
En l'occurrence, la surprise est ici excellente : McGuinness est juste écœurant de talent, de malice et d'humour, comme en témoigne la sublime pochette blanche de son album, sans doute vouée à devenir une classique, sur laquelle il pose en tenue d'escrimeur, comme pour prévenir l'auditeur qu'à la fin de l'envoi, il touche ! En plein mille et en plein cœur. Après un premier EP sorti l'an dernier qui laissait déjà entrevoir la grandiloquence mégalo typiquement british du jeune liverpuldien, The Early Learnings Of Eugene McGuinness, ce disque redonne à la pop anglaise ses lettres de noblesse : voix incroyablement mûre, génie mélodique, beauté des arrangements, ce type est une tête à claques tout simplement incroyable.
Mené par un excellent premier single, "Moscow State Circus" et une poignée de titres brillants ("Those Old Black & White Movies", "Disneyfied") voire grandioses ("Atlas"), cet album, où aucune chanson ne ressemble à une autre, pourrait bien permettre à McGuinness, définitivement "not so academic", de remplacer Neil Hannon dans le cœur des hordes de jeunes filles toutes entières vouées à la cause de la pop baroque et décomplexée, avec cet univers décalé et absolument charmant, si le freluquet parvient à confirmer avec un digne successeur de cette galette étourdissante et indispensable à tout amateur du genre.