Spirit If...
Broken Social Scene Presents Kevin Drew
Lorsque Broken Social Scene déclara avoir besoin d’une longue pause, les fans ont été nombreux à regretter une telle décision alors que le groupe voyait son succès prendre racine. On imagine donc aisément les réactions de ces mêmes fans à l’annonce du premier album solo de Kevin Drew, l’un des membres fondateurs du collectif canadien, qui inaugure la série des Broken Social Scene Presents. Et comme le nom de cette dernière l’indique, les différents protagonistes de la formation canadienne ne sont jamais très loin sur un Spirit If… enregistré durant ces deux dernières années chez Ohad Benchetrit, de Do Make Say Think, pendant les temps morts de Broken Social Scene.
Bien entendu, la première question que l’on se pose est de savoir à quel point cet opus diffère des productions antérieures du collectif de Toronto. Quant à la réponse, elle ne tarde guère tant l’univers de Kevin semble se dissocier de la joyeuse cacophonie orchestrée que représente Broken Social Scene. Même si la démesure de ces derniers habite quelques unes des compositions de Spirit If…, Kevin Drew parvient toutefois à nous livrer d’émouvantes confessions sur un fond sonore se faisant nettement plus mélancolique qu’à l’accoutumée. A l’image en quelque sorte de "I’m Still Your Fag" et de "Lover’s Spit" qu’on retrouvait sur un You Forgot It In People qui reste, à ce jour, la pièce maîtresse de Broken Social Scene. Mais comme en témoigne l’inaugural "Farewell To The Pressure Kids", ce dernier démarrant sur les chapeaux de roues avant de subitement se calmer, Kevin Drew alterne volontiers sur Spirit If… entre ce qui fait la force de son collectif et un terrain de jeu nettement plus personnel. Malgré cela, la liste des invités n'a pas été oubliée et, outre les différents membres de Broken Social Scene, on peut compter sur la présence de Jay Mascis (Dinosaur Jr.), de Scott Kannberg (Pavement), du pianiste Gonzales, de Joules Scott-Key (Metric), d’Andrew Kenny (The American Analog Set), de Dave Mitchell (Do Make Say Think) et de Tom Cochrane. Bien que le nombre de collaborateurs soit relativement impressionnant, cet opus n’en perd pas pour autant l’idée de cohésion, même si celle-ci se trouve continuellement balancée entre intimité et grandiloquence.
Spirit If… affiche donc toute la tension, ou plutôt l’ambivalence, que génère l’œuvre de Kevin Drew. Car si l’on perçoit un certain goût pour les ambiances mélancoliques sur cet album, il n’en reste pas moins que son auteur se trouve à la tête d’un des groupes qui, sur scène, provoque un bien beau bordel musical, dominé par les cuivres et par ce côté "happy" qui lui est propre. En conclusion, on se retrouve donc le cul entre deux chaises à devoir marquer notre préférence pour l’un ou l’autre. Et à ce petit jeu-là, Broken Social Scene l’emporte encore. D’une courte tête…