SOS
SZA
La musique de SZA ressemble à ces messages qu’on écrit mais qu’on n’envoie jamais, ces soliloques qu’on garde pour nous, mais qu'elle préfère partager avec le monde entier. Et contrairement à Taylor Swift sur Midnights, SZA n’utilise pas d’euphémismes proprets pour évoquer ses ruminations nocturnes, elle sonne authentique, avec ses travers et ses qualités.
Malgré les vingt-trois morceaux que compte ce deuxième album, on ne s’y ennuie quasiment jamais : le propos est ciselé, humoristique parfois, et la forme particulièrement chiadée, avec quelques prises de risque réussies (le pop-punk « F2F », le boom-bap « Smoking On My Ex Pack », le sucré « Notice Me »). Quant aux featurings (Don Toliver, Phoebe Bridgers, Travis Scott et feu Ol’Dirty Bastard), ils ont été triés sur le volet et agissent comme des marqueurs, des bouées auxquelles se raccrocher pour ne pas se noyer dans le flot de pensées de Solána Imani Rowe. Pour autant, vu le rythme effréné auquel s’enchainent des morceaux qui semblent parfois inaboutis, il n'est pas toujours simple d'être dans le plaisir simple, et l’impression d’être étouffé par la densité de l’album pourra représenter un frein lors des premières écoutes, exigeantes.
Par rapport à Ctrl, SZA semble avoir pris de l’assurance : elle se compare à des personnages féminins au caractère bien trempé, mais dans une forme de second degré, comme le Grinch qui camouflerait sa grande sensibilité derrière une antipathie pour les gens qu’il apprécie en secret. SZA raconte également ses difficultés à communiquer son affection, dont elle attribue la responsabilité soit à son partenaire (« Love Language « ) ou à l’époque ultra-narcissique et connectée (« Ghost In The Machine »). Ces besoins de lien et d’affection témoignent d’une certaine fragilité, qu’elle tente de balayer avec un brin d’humour et de mordant. Et c’est ce qui fait le charme de SZA, au-delà bien sûr de cette voix toujours aussi subtile et adaptée à tous les discours - ça marche, que SZA rende hommage à sa grand-mère (« Used », « Open Arms ») ou à des fesses qui la complexent (« Too Late »).
En sortant un album plus mur et nuancé, plus riche musicalement et vocalement, SZA se montre en réalité à la hauteur des espoirs placés en elle cinq années plus tôt sur un Ctrl déjà excellent, et qui la voyait capable de faire le trait d'union entre des univers pop et hip hop avec une aisance folle. SOS est donc l'upgrade du logiciel tant attendu, et on peut se féliciter qu'aucun bug ne soit venu troubler la transition.