Songs of Praise
Shame
Avant même d'écouter Songs of Praise, tout ce qu'on a pu entendre ou lire sur Shame n'a pas laissé énormément de place à notre imagination pourtant débordante. En résumé, on tient 5 lads biberonnés au son de The Fall, fondus de la Fat White Family et qui ont grandi dans le quartier ô combien emblématique de Brixton, dans le sud de Londres. Bien que le commun des mortels en fasse surtout une terre de kick & rush et de bouffe dégueulasse, il faut reconnaître à l'Angleterre sa propension à produire de brillants prolétaires. Shame fait partie de ceux-là et vient donc grossir la liste des working class heroes qui ont choisi de se retrousser les manches pour que leurs opinions ne restent pas que de vaines discussions de comptoir.
Qualifié de post-punk par toute la presse, Shame est donc un groupe de post-punk. On n'a pas envie de contredire l'intelligentsia qui régit le monde infernal de la musique, puis surtout on serait bien con de le faire car pour une fois, on est entièrement d'accord avec tout ce qui est dit. C'est donc le moment où l'on descend notre paire de lunettes sur le bout de notre nez pour vous dire d'un air condescendant que la rage post-adolescente de Shame est véritablement imprégnée d'un esprit. Une vraie fièvre habite en effet Songs of Praise, et celle-ci est soutenue par des guitares acérées et par la voix éraillée d'un Charlie Steen qui crache sur le "no future" des 70's pour lui préférer un avenir dans lequel il est assis à la table des négociations.
Alors oui, les structures privilégiées par le groupe et la voix de Charlie Steen charrient leur lot d'images d'Epinal sur le post-punk mais non Songs of Praise n'est pas un album réservé aux seuls initiés du genre. Et même si les paroles cherchent à prouver le contraire ("My voice ain’t the best you’ve heard / And you can choose to hate my words / But do I give a fuck?"), des titres comme "One Rizla" ou "Friction" exploitent parfaitement le potentiel hautement accessible d'un groupe pas aussi nihiliste qu'il le voudrait - niveau référence plus grand public, on s'en voudrait de ne pas citer l'incroyable "The Lick", titre sur lequel planent les ombres de Jarvis Cocker et Nick Cave.
Alors oui, Songs of Praise est le premier album du groupe, mais il est loin d'être le premier album du genre. En même temps, si on devait s'arrêter à ce genre de considérations, on aurait arrêter d'écouter de la musique en 1995. Ce qui importe, c'est que Shame vient de livrer une déclaration bardée de références mais sincère. Songs of Praise est un premier album ambitieux, parfois féroce et irrésisitble, et apportera certainement un peu d'eau au moulin de tous ceux qui adorent soliloquer sur la prétendue mort du rock.