Solar Life Raft
Dj/rupture + Matt Shadetek
On se souvient sans trop de mal de la claque infligée par l’Américain Dj/rupture fin de l’année passée avec un Uproot unanimement acclamé par la critique, ou encore de son projet live mené de front avec son compère le guitariste expérimental Andy Moor. Bref, chaque apparition de Jayce Clayton entraîne maintenant une battue médiatique immédiate, et cela ne devrait pas changer avec ce nouveau Solar Life Raft. Non content de tenir en solo la barre du mash-up à un niveau quasi inégalé, Dj/rupture s’est associé pour cette fois avec l’hyperactif Matt Shadetek, que certains connaissent déjà pour son travail en tant que protégé du label Warp au sein de la Team Shadetek. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne (à chaque fois), on retrouve donc une impeccable sélection de dubstep hors-cadre, bien loin des traditionnels clichés de la bass music.
Et le festival Solar Life Raft prend un départ tonitruant avec un premier enchaînement de petites bombes : tout d’abord l’excellent remix du « Bebey » de Gang Gang Dance par notre hôte principal, suivi d’un dépucelage dancefloor avec « The Bad Dance » de Stagga et « Green Disorder » de la valeur montante Cardopusher. Mais si le premier tiers de la sélection prend des chemins quelque peu nerveux, le ton s’apaise dans la suite, laissant place à toutes les curiosités préparées par nos deux lascars. Car le véritable intérêt d’une sélection mixée par Jayce Clayton réside encore et toujours dans la succession d’ambiances chaleureuses et alambiquées. A ce titre, on ne manquera pas de souligner le monologue animalier de Caroline Bergvall (« More Pets »), l’intervention de la poète Elizabeth Alexander (actrice de la soirée d’intronisation de Barack Obama), le dub romantique de Pulshar (side-project de la référence techno Pablo Bolivar) ou encore l’interlude emprunté au monument de l’électro-acoustique Luc Ferrari (« Archives Génétiquement Modifiées Part 2 »). Et histoire de ne pas faire tache, toutes ces bizarreries sont bien entendu mélangées à une poignée d’indécrottables du genre tels Noah D, Shackleton, Matty G ou Mizz Beats (porte-drapeau féminin du grime anglais).
Heureuse idée pour finir, toutes les précautions ont été prises pour permettre à ce mix de garder toutes ses vitamines : en tablant sur un travail à quatre mains enregistré directement (mais après des mois de choix cornéliens concernant la structure et le contenu) dans le home studio du natif de Brooklyn, les deux garantissent un résultat « 100% home made », sans arrangements ni trucages. Revenu dans ses quartiers de New-York après presque dix ans d’exil à Barcelone, Dj/rupture ne prend pas plus de temps pour retrouver ses marques et nous servir une suite digne du carton de Uproot, quoiqu’un cran en-dessous de son grand frère. A l’heure où le dubstep connaît ses premières failles hype, Solar Life Raft rappelle à tous qu’humilité peut aussi rimer avec talent et réussite incontestable.