Smote Reverser
Oh Sees
Bien triste jour que celui où l’âme de l’impétueux John Dwyer rejoindra les terribles Enfers dont elle s’est un beau jour échappée. Car en plus du tort évident causé à l’Humanité par la perte du plus grand des sorciers du garage, on ne vous raconte pas le bordel pour tous les scribouillards de la planète à qui reviendra la lourde tâche d’assurer son homélie. Et donc de retracer sa très prolifique carrière, voire pour les plus téméraires, de hiérarchiser la discographie du groupe.
Car cela fait désormais bien longtemps que le monde entier sait pertinemment que chaque nouvelle livraison équivaut à une nouvelle déflagration, à une énième consécration, et fatalement à un insolvable casse-tête pour quiconque doit se trifouiller l’encéphale pour en dire quelques mots. Et étant donné que ce Smote Reverser ne déroge pas à la règle, il en viendrait presque à nous faire chier entre deux séances de masturbations estivales s’il n’était aussi jubilatoire.
Parce que comme l’indique cette pochette dont on ne sait trop dire si elle est immonde ou absolument magnifique, les Oh Sees n’ont jamais autant titillé Belzébuth que sur leur dernier long format. Martial et impérieux, le son du groupe n’a que très rarement résonné aussi puissamment que durant cette messe noire foutrale. Ainsi, non seulement John Dwyer instaure un climat plus sombre qu’un égorgement de chèvre sous la pleine lune, mais il semble prendre un plaisir non dissimulé à jouer avec ses acolytes autour du cadavre de la pauvre bête.
Car de tous ces titres transparait un corps dont la chair s’articule toujours autour d'un squelette kraut, garage et psychédélique, et dont le muscle cardiaque se contracte fiévreusement au rythme impressionnant des deux batteurs qui servent de Cerbères à John Dwyer. De quoi aboutir à des compositions aux guitares catégoriques, jutant des soli endiablés entre deux riffs monolithiques ou les habituelles éructations du Californien. Un maelström sonore au sein duquel l’orgue chemine volontiers entre deux délires bruitistes, conférant alors aux quelques accalmies de l’album une aura d’autant plus lugubre et inquiétante.
Mais ce sont bel et bien les guitares qui font de ce Smote Reverser un grand album des Oh Sees. Gerbant dégueulis apocalyptiques à tire-larigot, et employées selon le bon vouloir de leur despotique tortionnaire, celles-ci semblent n’avoir comme ambition que celle d'agresser les tympans de l’auditeur non averti, lequel pourrait bien en mouiller son slip par la même occasion. Aucun répit, zéro temps mort, car John Dwyer n’a vraiment, mais alors vraiment pas le temps de niaiser. Et c’est tant mieux.