Smoke The Monster Out
Damian Lazarus
Comme un pied de nez à l’incroyable surpopulation de la scène électronique, une fois venu le temps pour les grands producteurs de passer sur format long, ceux-ci ne se privent pas de prendre leur auditorat à contre-pied en proposant des contenus aussi inattendus qu’excitants. Prenez Trentemoller et son incroyable The Last Resort ou encore Matthew Dear et sa perle techno-pop Asa Breed, deux disques qui ont défié les lois de leur milieu pour mieux s’affirmer comme indispensables. C’est maintenant au tour de Damian Lazarus de venir titiller la chronique en présentant un Smoke The Monster Out tout chaud tout beau. En patron exemplaire de l’écurie Crosstown Rebels (Dinky, Dan Berkson, Jamie Jones, Jennifer Cardini, Kiki, Minilogue, Pier Bucci ou encore Seth Troxler), l’Anglais n’a pas dû disposer d’une tonne de temps pour envisager son premier album sereinement.
Pourtant, exilé temporairement sur Get Physical (label des trublions de Booka Shade), Damian Lazarus nous dévoile un album qui s’apparente plus à un bestiaire pop qu’à une aventure de techno tellurique. Et il faut bien dire que le passage de Damian aux pays des merveilles est une réussite incontestable : les lapins pédophiles (« Memory Box ») côtoient les oursons alcooliques (« Diamonds In The Dark ») et les nouveaux Jean-Michel Jarre (« Lullabies ») font la loi dans un monde ou indie techno, deep house et pop « tout-sauf-classique » se sont donné rendez-vous pour mieux combiner dans le malsain. Alors dans ce nouveau zoo, on y chante, et plutôt bien même (« Neverending », « Moments », « It’s Raining Today »), comme si Björk apprenait à chanter à de grands drogués. Les belles mélodies sont de sortie, et il faut bien avouer que les monstres ici présents ne peuvent cacher leur fourrure pastel et leur haleine de fraise (bien planquée derrière l’odeur tenace de vodka) au moment de reprendre « Come And Play », clin d’oeil sympathique et osé au « Red Right Hand » de Nick Cave.
Parsemez tout cela d’interludes tragi-comiques, cultivez l’amour du tube techno-pop (« Neverending ») et vous vous retrouvez sans plus de mal devant un disque forcément brillant, inspiré et furieusement singulier. Le risque en voulant être partout à la fois est de finir nulle part, Damian Lazarus le sait et élargit le spectre sans jamais dénaturer ses racines house et techno, marchant comme un funambule afin de libérer un disque audacieux et instinctivement tourné vers les honneurs. Comme si finalement, seuls les grands producteurs de musique house et techno étaient capables de nous pondre de telles pièces de pop électronique. Ah oui, j’allais oublier, n’oubliez pas la promotion qui entoure ce disque : « Pour tout achat d’un Smoke The Monster Out, recevez un panda anxiolytique en cadeau », voilà qui devrait plaire à belle-maman.